L’indépendance en l’absence de négos ?
Le président catalan doit s’exprimer devant son Parlement demain, ce qui fait craindre l’opposition
BARCELONE | (AFP) Le président séparatiste de la Catalogne a laissé entendre hier qu’il était prêt à déclarer l’indépendance si le gouvernement central espagnol ne répondait pas aux propositions de médiation pour apaiser la grave crise avec cette région.
Demain, Carles Puigdemont doit s’exprimer devant son Parlement «concernant la situation politique» actuelle. La séance programmée à 18 h n’a pas d’autre ordre du jour et l’opposition craint que le Parlement y adopte une déclaration unilatérale d’indépendance.
«Nous avons ouvert la porte à la médiation, nous avons dit “oui” à toutes les possibilités de médiation qui nous ont été présentées. Les jours passent et si l’état espagnol ne répond pas de manière positive, (donc) nous nous ferons ce que nous sommes venus faire», a dit Carles Puigdemont dans un entretien.
Dans un tweet, le chef du gouvernement espagnol, le conservateur Mariano Rajoy, qui n’a pas participé à la manif, a apporté son soutien aux manifestants. « Nous préserverons l’unité de l’espagne. Vous n’êtes pas seuls », a-t-il écrit.
Mais certains manifestants ont pris à partie des Mossos d’esquadra, les policiers catalans, qu’ils accusent d’avoir ignoré, le jour du référendum interdit, l’ordre de faire fermer les bureaux de vote et de saisir les urnes pour empêcher sa tenue. « Traîtres ! », leur ont-ils lancé, en encerclant deux de leurs camions.
Pour l’heure, l’impasse est totale entre Mariano Rajoy et les autorités séparatistes.
AUTONOMIE SUSPENDUE
Le leader catalan Carles Puigdemont réclame une « médiation internationale ». Mais Mariano Rajoy n’envisage pas de dialogue tant que les séparatistes n’auront pas retiré leur menace de rupture.
« On ne peut rien construire si la menace contre l’unité nationale ne disparaît pas », a déclaré M. Rajoy à El Pais hier.
Il a brandi la menace d’une suspension de l’autonomie de la région, en vertu de l’article 155 de la Constitution, jamais appliqué dans cette monarchie parlementaire extrêmement décentralisée.
MANIFESTATION MONSTRE
Des centaines de milliers d’espagnols de Catalogne et d’ailleurs ont envahi hier les rues de Barcelone pour manifester leur hostilité à l’indépendance de la région tandis que le président catalan laissait entendre qu’il pourrait déclarer l’indépendance si Madrid refuse la médiation.
« Vive la Catalogne ! Vive l’espagne ! », scandait la foule qui brandissait des milliers de drapeaux espagnols, du jamais- vu dans le pays depuis la fin du régime de Franco en 1975.
C’était aussi la première grande manifestation anti-indépendantiste à Barcelone depuis le début de la crise, avec pour mot d’ordre « Ca suffit ! Retrouvons la sagesse ! » Selon la police, 350 000 personnes ont participé à la manifestation, 930 000 à 950 000 selon les organisateurs.
« La démocratie espagnole est là pour rester et aucune conjuration indépendantiste ne la détruira », a lancé à la foule le prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, qui a les nationalités espagnole et péruvienne.
Les manifestants, arborant aussi des drapeaux catalans ou européens, se voient comme la « majorité silencieuse » qui n’a pas eu voix au chapitre depuis que les autorités indépendantistes ont organisé le scrutin, le 1er octobre.
De nombreux manifestants venaient d’autres régions d’espagne.