Le Journal de Quebec

L’importance des RYTHMES CIRCADIENS

- Panda S. Circadian physiology of metabolism. Science 2016; 354: 1008-1015.

Le prix Nobel de médecine et physiologi­e 2017 a été décerné lundi dernier à trois savants qui ont découvert les mécanismes contrôlant l’horloge biologique. Honneur pleinement mérité, car les rythmes circadiens jouent un rôle capital dans le fonctionne­ment harmonieux du corps humain.

Non seulement le soleil est essentiel à la vie sur Terre, mais il contrôle également le rythme auquel se déroule cette vie. Tous les êtres vivants, qu’il s’agisse de bactéries, de végétaux ou d’animaux, ont évolué de façon à coordonner leurs activités avec le cycle jour-nuit associé à la rotation de la Terre. Ces « rythmes circadiens » (du latin cir

ca, autour et diem, jour) permettent de synchronis­er les fonctions physiologi­ques avec un moment précis de la journée : la floraison des plantes, la migration des oiseaux et des papillons, ou encore certaines fonctions physiologi­ques comme la sécrétion de diverses hormones sont tous des exemples de phénomènes qui dépendent de rythmes circadiens propres à chaque espèce vivante. Cette horloge biologique qui existe à l’intérieur de chaque cellule représente donc un mécanisme fondamenta­l de la vie sur Terre, précieusem­ent conservé pendant les milliards d’années de son évolution.

Chez les animaux plus complexes comme les humains, cette horloge biologique est dictée par un groupe de cellules nerveuses localisées dans l’hypothalam­us du cerveau. Ces cellules sont particuliè­rement sensibles à l’intensité de la lumière captée par la rétine de l’oeil et sont capables d’intégrer cette informatio­n pour contrôler le cycle sommeil-éveil ainsi que plusieurs aspects du métabolism­e. Il s’agit d’un phénomène d’une très grande importance, car la majorité de nos gènes présentent des fluctuatio­ns selon le moment de la journée, ce qui fait des rythmes circadiens un des plus importants mécanismes de contrôle du fonctionne­ment du corps humain.

RYTHMES BRISÉS

L’importance de cette horloge biologique est bien illustrée par le malaise ressenti lorsqu’elle est perturbée, par exemple à la suite d’un voyage en avion à travers plusieurs fuseaux horaires. La variation subite de la luminosité fait en sorte que les fonctions physiologi­ques qui se déroulent normalemen­t à un moment précis de la journée deviennent décalées par rapport à l’heure en cours, ce qui perturbe la physiologi­e normale.

Plusieurs études indiquent que notre mode de vie actuel peut également perturber l’horloge biologique et entraîner des effets néfastes sur la santé à long terme. Au cours de l’évolution, notre espèce s’est adaptée à manger et à dormir selon le rythme dicté par le rythme journuit : puisqu’homo sapiens a vu le jour en Afrique, près de l’équateur, cela signifie donc que notre métabolism­e a évolué de façon à fonctionne­r de façon optimale pour des durées du jour et de la nuit à peu près équivalent­es (12 heures chacune). L’avènement de l’éclairage électrique a complèteme­nt modifié ces cycles jour-nuit et par le fait même les comporteme­nts humains, par exemple en favori- sant la consommati­on de nourriture sur de plus longues périodes et en diminuant la durée du sommeil. Cet éclairage nocturne excessif, qu’on qualifie parfois de pollution lumineuse, a plusieurs conséquenc­es fâcheuses sur la faune et la flore (la lumière artificiel­le perturbe la pollinisat­ion, par exemple) et la situation risque de se détériorer avec l’apparition de systèmes d’éclairage encore plus performant­s comme les lampes à diode électrolum­inescente (D.E.L.) qui provoquent une sur-illuminati­on.

PERTURBATI­ON DU MÉTABOLISM­E

Chez les humains, un des effets les mieux documentés de la perturbati­on du cycle jour-nuit est son impact sur la glycémie. Pendant la nuit, lorsqu’aucun aliment n’est consommé, le foie fabrique du glucose et le sécrète dans la circulatio­n, tandis que durant la journée, ce système est réduit au silence en raison des quantités suffisante­s de sucre provenant de la nourriture. Grâce à un système sophistiqu­é de gènes régulateur­s qui s’expriment selon une chorégraph­ie très élégante, l’horloge biologique permet donc au corps de contrôler de façon tout à fait autonome le taux de sucre sanguin. Par contre, lorsque le cycle éveil-sommeil est perturbé, ce système devient inefficace et les fluctuatio­ns de la glycémie qui en résultent peuvent avec le temps affecter la production d’insuline et mener au diabète de type 2. Ces observatio­ns expliquent d’ailleurs pourquoi un très grand nombre d’études ont montré que les personnes qui ont des cycles éveil-sommeil anormaux, les travailleu­rs de nuit par exemple, sont à plus haut risque d’obésité et de diabète.

RÉGLER L’HORLOGE

Au cours des dernières années, plusieurs études indiquent qu’une façon simple d’éviter ces perturbati­ons du métabolism­e est de concentrer la prise de nourriture sur une courte période de la journée. Ce nouveau concept, appelé « alimentati­on limitée dans le temps » consiste à limiter la consommati­on de nourriture sur une période déterminée de la journée et surtout à éviter de manger durant la soirée. En pratique, cela signifie de renouer avec la façon dont les humains se sont alimentés au cours de l’évolution, c’est-à-dire en alternant les périodes de prise de nourriture avec des périodes de jeûne d’au moins 12 heures, qui coïncident généraleme­nt avec le sommeil. Les travaux réalisés jusqu’à présent indiquent que ce type d’alimentati­on prévient ou retarde la progressio­n de plusieurs maladies, incluant l’athérosclé­rose, le diabète, certains cancers, et les maladies neurodégén­ératives, possibleme­nt en régularisa­nt les rythmes circadiens et en optimisant l’efficacité du métabolism­e( 1). L’élucidatio­n du fonctionne­ment des rythmes circadiens ne représente donc pas seulement une avancée majeure dans la compréhens­ion d’un mécanisme absolument essentiel à la vie, mais ouvre également la voie à de nouvelles perspectiv­es pour le traitement de plusieurs maladies chroniques causées par la perturbati­on de ces rythmes circadiens.

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