L’alabama, d’une inconduite à l’autre
Chapeau aux Alabamiens… ou Alabamasques… ou Alabamistes! Vous avez survécu à une campagne politique visqueuse, répugnante même, mais oh combien fascinante! Pour vous et tout le pays. Vous devez être épuisés!
L’élection sénatoriale en Alabama a été pa-ssio-nnante! On y a vu le meilleur et le pire des États-unis. De grands moralisateurs avec une morale personnelle élastique; des politiciens qui, sans gêne, ont profité du malaise général pour mousser leur carrière; des électeurs qui, même lorsque confrontés aux allégations les plus puantes, se sont pincés le nez et ont continué leur chemin.
Le candidat républicain – ça vaut le coup de le rappeler – restera un cas dans l’histoire politique américaine récente. Ancien juge en chef de la Cour suprême de l’alabama, destitué deux fois, c’est un homme pour qui les gais sont des pécheurs, les États-unis allaient mieux quand les familles étaient unies, notamment du temps de l’esclavage, et qui considèrent que seuls les serments faits sur la Bible méritent respect. Roy Moore – il se présente ainsi – est un homme de principe.
Pourtant, ses principes ont pris le bord, quand, dans la trentaine, il flirtait (ou pire encore) avec des mineures. Et lui, si attaché aux Dix commandements, se torche avec le 8e qui appelle à « bannir la médisance et le mensonge », en niant dur comme fer les allégations émises par cinq femmes qui ne se connaissent ni d’adam ni d’ève.
DES DÉMOCRATES, L’ORTEIL À L’EAU
Distrayant aussi de voir circuler les Démocrates dans cet État du sud qui n’a pas élu un sénateur démocrate depuis 25 ans et n’a pas soutenu un Démocrate à la présidence depuis plus de 30 ans. Cory Booker, par exemple, le sénateur démocrate du New Jersey, a multiplié les poignées de main et les selfies.
Booker est presque déjà en campagne pour l’investiture démocrate en vue de la présidentielle de 2020. Il fait des sourires à qui veut bien le regarder, mais c’est le message de son parti que les gens du coin ne veulent pas voir. L’establishment politique qui vient leur faire la morale sur les immigrants, les armes à feu, leur extrême religiosité et leur opposition farouche à l’avortement, c’en devient vite insupportable pour une majorité d’habitants locaux.
ATTAQUER EN DISCRÉDITANT
Les envolées populistes du président Trump reçoivent de bien meilleurs échos dans l’état. Il y a de quoi être inquiet. Parce que Roy Moore s’est inspiré de Donald Trump pour répondre aux accusations de pédophilie lancées contre lui.
Comme Trump à l’égard de la quinzaine de femmes qui l’ont accusé d’inconduite sexuelle, Moore jette le discrédit sur leur témoignage, dénigre non seulement ce qu’elles disent, mais ceux qui rapportent leurs propos : les médias, bien sûr. Au point où de très nombreux électeurs en viennent à voir davantage de danger pour le pays dans le duo Washington/ Grands médias que chez un pédophile aux idées réactionnaires. Bref, difficile de voir autre chose qu’une flopée de perdants à la suite de cette élection sénatoriale en Alabama.
Ce serait bien de pouvoir conclure que cette campagne échevelante a opposé des idées crédibles, mais contradictoires, des candidats féroces, mais respectables et respectueux et que les électeurs, vainqueurs ou vaincus, sont prêts à se dire : « À la prochaine! ». En fait, tout le monde s’entre-déteste un peu plus. Sûrement pas un grand triomphe pour la démocratie.
L’élection sénatoriale en Alabama a été pa-ssio-nnante! On y a vu le meilleur et le pire des États-unis.