Le Journal de Quebec

La confusion des pouvoirs

-

Je dis souvent à la blague que les questions constituti­onnelles « m’érotisent ».

Cette année, j’ai été servi : un principe a quasiment fait les manchettes toutes les semaines : la « séparation des pouvoirs ».

Les raisons de mon grand intérêt (qui ne fait toutefois pas de moi un spécialist­e !) ?

Quand la génération X, dont je suis, s’est éveillée à la politique, dans les années 1980 et 1990, le constituti­onnel était toujours à l’avant-plan : rapatrieme­nt, charte des droits, « désaccords » de Meech et de Charlottet­own, référendum­s, etc.

Depuis 1995, les débats en ces matières ont été frappés d’une sorte de tabou au profit des « vraies affaires ».

Exclusion dommageabl­e : la constituti­on est le contrat fondamenta­l de la société, qui définit (ou détermine) les rôles et responsabi­lités de chacun des acteurs politiques, qui garantit les droits. Ce ne sont pas de « fausses affaires ».

Un principe constituti­onnel a volé la vedette cette année : la « séparation des pouvoirs »

AUTOMNE DE LA SÉPARATION

Quels événements ont ramené à l’avant-scène la séparation des pouvoirs ?

Entre autres l’arrestatio­n de Guy Ouellette par L’UPAC, les questions sur le rapport entre la police et le parlement ; entre la police et le gouverneme­nt.

Au Québec et au Canada, on est plutôt confus au sujet de la séparation entre les trois pouvoirs : exécutif (le gouverneme­nt), législatif (le parlement) et judiciaire (les tribunaux).

Plusieurs politicien­s importants donnent même l’impression que les policiers relèvent du judiciaire et que, par conséquent, ils doivent avoir une latitude complète par rapport aux autres branches de l’état.

C’est faux. Les policiers sont nommés par l’exécutif, ont des comptes à rendre au gouverneme­nt et aux élus. Rien d’anormal ici : on ne veut pas que la police devienne un État dans l’état.

Bien sûr, ni le gouverneme­nt ni les élus ne doivent dicter aux policiers leurs choix d’enquête. Une distance s’impose. Mais ce n’est pas à proprement parler la « séparation des pouvoirs ».

CONFUSION MONARCHIQU­E

Plusieurs qui exaltent ce principe se croient aux États-unis. Ils oublient que nos voisins du Sud vivent en république et que celle-ci est justement fondée sur une applicatio­n stricte de la « séparation des pouvoirs ».

C’est loin d’être le cas dans notre dominion, qui est, on l’oublie souvent, une monarchie. Où, comme dans tout régime britanniqu­e, c’est la confusion qui règne entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Évidemment, dans notre régime, une séparation est mieux assurée : celle entre le judiciaire et les autres branches : exécutive et législativ­e.

Parfois, on exagère. Quand l’avocat de l’ancienne ministre Nathalie Normandeau, accusée de fraude, veut faire taire toutes les critiques des élus sur la mécanique du procès qui vient en invoquant la séparation des pouvoirs.

Parfois, on devrait s’en faire bien davantage : par exemple cette coutume qui veut que le premier ministre fédéral nomme le juge en chef de la Cour suprême.

Quel accroc aux principes du fédéralism­e et de l’indépendan­ce du judiciaire !

Imaginez un juge qui espère secrètemen­t, un jour, devenir juge en chef, ne sera-t-il pas tenté de plaire au chef du gouverneme­nt ?

 ??  ?? Me Maxime Roy, l’avocat de Nathalie Normandeau
Me Maxime Roy, l’avocat de Nathalie Normandeau

Newspapers in French

Newspapers from Canada