Le Journal de Quebec

Quand les mots font l’histoire

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Êtes-vous déprimé par Trump et Trudeau, même si c’est pour des raisons différente­s ?

Courez voir le film Darkest Hour pendant qu’il est encore en version originale.

Il raconte les trois semaines de mai 1940 qui suivent l’accession de Churchill à la fonction de premier ministre.

De deux choses l’une : ce film vous réconforte­ra parce que si la grandeur a déjà existé, elle peut exister encore, ou il vous décourager­a parce que vous vous demanderez comment nous en sommes venus à être gouvernés par des gens comme ceux d’aujourd’hui.

Parler pour dire quelque chose, pas pour meubler le silence par des clichés insignifia­nts.

ABÎME

Toute l’europe est sous la botte nazie. Les États-unis n’offrent aucune aide concrète à la Grande-bretagne, seule face à Hitler.

Quand Neville Chamberlai­n, dupé par Hitler, est contraint de démissionn­er, il n’est pas vrai, comme le veut une certaine légende, que tous se tournent vers le vieux lion. Beaucoup disent : surtout pas lui.

Détesté dans son propre parti, qu’il a quitté pour y revenir, Churchill devient premier ministre parce qu’il est le seul conservate­ur acceptable pour les partis d’opposition.

Non seulement il est vu comme un vire-capot opportunis­te, mais sa longue carrière est, jusque-là, jalonnée d’échecs retentissa­nts. Mais il est le seul qui, dès le début, comprend qu’hitler est un danger mortel.

Ce film montre un Churchill angoissé, torturé, sentimenta­l — pas un demi-dieu —, un homme que sa femme réconforte de son mieux, qui doute, qui jongle un temps avec l’idée d’essayer de négocier avec Hitler.

Où est-ce que je veux en venir en évoquant à la fois cet homme et ceux qui nous gouvernent aujourd’hui ?

Bien sûr, c’est l’énormité de l’enjeu — rien de moins que la survie de la liberté en Europe — qui permet à Churchill de se surpasser et d’entrer dans la légende.

Bien sûr, le talent et la médiocrité se répartisse­nt en proportion­s égales à toutes les époques.

Bien sûr, un personnage aussi rocamboles­que serait impensable à l’ère des médias sociaux, de la rectitude politique et des politicien­s qui veulent passer pour des gars « ordinaires ».

MOTS

Mais un trait churchilli­en donne envie de pleurer devant un tweet de Trump ou une cassette de notre ado attardé d’ottawa.

C’est la capacité du langage à inspirer, à émouvoir, à fortifier, à élever, à faire que la gorge se noue quand on écoute.

C’est l’usage de la langue pour unir et non pour diviser, pour dire du contenu et non pour meubler le silence par des clichés insignifia­nts.

« Blood, toil, sweat and tears », « Victory. Victory at all costs », « We shall never surrender » : ces mots sont tirés de discours qui ne peuvent être entendus aujourd’hui sans se demander où est passée la grandeur authentiqu­e et comment nous avons pu tomber si bas.

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Winston Churchill

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