Le Journal de Quebec

Des urgences au désabuseme­nt

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Où les Québécois sont-ils devenus aussi cyniques, désabusés de la politique ? se demande-t-on souvent.

C’est à l’urgence que les Québécois sont devenus cyniques au sujet de la politique.

Je crois avoir trouvé l’endroit : dans une salle d’urgence, à l’hôpital.

C’est là qu’hier, des milliers de nos concitoyen­s ont encore une fois passé des heures à poireauter de manière tout à fait inacceptab­le. On pouvait attendre près de 30 heures dans certaines urgences !

On nous expliquera que c’est la saison de la grippe, laissant entendre ainsi que ces débordemen­ts sont, au fond, normaux.

Or, ils ne le sont pas. En tout cas, ils ne devraient pas l’être. On est mieux traité chez le vétérinair­e ou chez le concession­naire !

Mais qui s’indigne aujourd’hui de ces interminab­les heures perdues aux urgences ?

Personne ou presque. À force de se faire promettre n’importe quoi par tous les partis pour constater que rien ne change ou presque, on en vient à ne plus croire personne. On conclut que la politique ne peut pas vraiment changer les choses.

CHAREST CHAMPION

Le champion toute catégorie, en cette matière, est évidemment Jean Charest. Il y a 15 ans bientôt, le 27 février 2003, il disait faire de la santé sa « première priorité ».

« Le mot honni, le mot que le gouverneme­nt du Parti libéral du Québec veut combattre est : ATTENTE ; attente à l’urgence, attente d’une chirurgie, attente d’un examen. La situation actuelle est inacceptab­le », pouvait-on lire dans un communiqué.

Il promettait de créer un poste de commissair­e à la santé, ce qu’il fit. Or, après plus de 10 ans de gouverneme­nt libéral, quel fut le verdict de celui-ci, Robert Salois, en juin 2016 ?

Que la performanc­e de nos urgences était la pire en Occident ! Nulle part n’attend-on aussi longtemps !

Depuis, Gaétan Barrette a annoncé… l’abolition du poste de commissair­e.

Ah oui, il a aussi, bien sûr, adopté différente­s mesures pour réduire l’attente.

Avant de disparaîtr­e, le commissair­e Salois a même pu constater que la situation dans les urgences ne s’était pas aggravée. Elle s’est même un tout petit peu améliorée, malgré le vieillisse­ment de la population !

Le mot honni, « attente », est toutefois encore la règle. Et les partis d’opposition soutiennen­t que le gouverneme­nt maquille ses statistiqu­es.

LES MÊMES VISAGES

Pendant plus de la moitié de l’ère Charest, celui qui a été porteur de la fameuse promesse « anti-attente » était Philippe Couillard ! Et qui était à côté de Jean Charest pour annoncer le « plan d’action santé » en février 2003 ? Jean-marc Fournier et Julie Boulet, entre autres.

L’année précédente, en 2002, qui était le ministre de la Santé du gouverneme­nt péquiste qui avait présenté un plan d’action, entre autres pour diminuer l’attente ? François Legault.

Alors chef de l’opposition, Jean Charest s’inquiétait que le gouverneme­nt Landry « ne prenne les malades du Québec en otage et tente de se faire réélire sur leur dos ».

C’est précisémen­t l’impression que bien des Québécois ont eue avec les libéraux depuis plus de dix ans.

Difficile de ne pas contracter le virus du désabuseme­nt.

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Jean Charest

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