Les contribuables québécois pourraient perdre gros
Ciment Mcinnis vaut beaucoup moins sur le marché que le prix payé
Les contribuables québécois pourraient perdre des centaines de millions $ dans la vente de la controversée cimenterie Ciment Mcinnis en Gaspésie, soutient un expert consulté par Le Journal.
« La construction de cette usine a coûté beaucoup trop cher. C’est impossible d’être rentable à ce prix », avance l’analyste et consultant spécialisé dans le secteur du ciment de la firme torontoise Sc-market Analytics, Colin Sutherland.
La Caisse de dépôt et placement, qui vient d’embaucher une firme de services-conseils, songerait à vendre sa participation ou accueillir de nouveaux investisseurs dans Ciment Mcinnis.
Le projet initial de la cimenterie de PortDaniel-gascons qui devait coûter 1,1 milliard $ a connu toutes sortes d’ennuis. La facture finale a atteint 1,55 milliard $ CAN, soit 450 millions $ de plus que prévu.
La Caisse a d’ailleurs été contrainte de rajouter de l’argent en 2016 dans le projet pour devenir actionnaire de contrôle tassant du coup le groupe Beaudier mené par la famille Beaudoin-bombardier.
Les appuis financiers de l’état québécois dans cet imposant projet industriel s’élèvent maintenant à plus de 615 millions $.
La Caisse a injecté 265 millions $ alors qu’investissement Québec a pris des engagements totalisant 350 millions $, dont un prêt commercial de 250 millions $ et une participation de 100 millions $. Le fonds d’investissement Blackrock détient également une part de 125 millions $ dans l’aventure.
PAS À CE PRIX
Selon M. Sutherland, peu de joueurs seraient intéressés actuellement à mettre autant d’argent pour acquérir les installations de Ciment Mcinnis en Gaspésie.
« Je pense qu’à 700-800 millions $ CAN, il va y avoir beaucoup de repreneurs potentiels. Car c’est le prix que cela coûte pour faire construire ce genre de cimenterie. Mais jamais à 1,5 milliard $ », a-t-il prévenu.
L’analyste de la firme Sc-market Analytics croit que des cimentiers chinois, turcs et sud-américains pourraient être tentés d’in- vestir dans Ciment Mcinnis afin d’accéder au lucratif marché nord-américain.
Il doute que le cimentier Lafargeholcim (dont la famille Desmarais est actionnaire) investisse en Gaspésie alors qu’il vient de rénover pour 400 millions $ US sa cimenterie de Ravena, au nord de New York.
En coulisse, à Québec, on se questionne également sur le réel potentiel de revente de la cimenterie, craignant que la Caisse ne demeure « prise » avec si elle est effectivement mise en vente. Les acheteurs potentiels ne courent pas les rues, murmure-t-on.
« FAIT NOTRE PART »
Au gouvernement du Québec, on est d’avis que les investissements réalisés dans Ciment Mcinnis au cours des dernières années ont atteint leur limite.
« Nous estimons avoir “fait notre part” pour le projet et le gouvernement n’entend pas investir davantage », a fait savoir hier la porte-parole du ministère de l’économie, Kim Desert.
Inaugurée en septembre dernier, l’usine de Ciment Mcinnis doit produire plus de 2,3 millions de tonnes de ciment par année.