Le Journal de Quebec

Oprah Winfrey, présidente ?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Les temps peuvent-ils changer si vite ? Se pourrait-il qu’en 2020, une femme, une Noire de surcroît, soit élue à la présidence des États-unis ? Après la diffusion du gala des Golden Globes, on pourrait croire qu’oprah Winfrey, la petite fille du Mississipp­i devenue multimilli­onnaire, serait élue haut la main si elle posait sa candidatur­e à la présidence de son pays.

C’est que le discours qu’elle a prononcé, après avoir reçu le trophée Cecil B. Demille pour « l’ensemble de son oeuvre », est allé droit au coeur de tous les artistes et artisans présents au Hilton de Beverly Hills dimanche soir. Son allocution n’a pas moins touché les 20 millions d’américains qui l’ont écoutée à la télévision.

Sûre d’elle, en pleine possession de ses moyens, plus charismati­que que jamais, l’animatrice a d’abord évoqué un souvenir qui lui avait fait forte impression dans son enfance : le premier Oscar gagné en 1964 par un acteur noir, Sidney Poitier, pour son rôle dans le film Lillies of the Field.

L’HISTOIRE DE RECY TAYLOR

Oprah a rappelé ensuite la longue et inutile quête de justice entreprise par Recy Taylor, une jeune mère noire de 24 ans, victime d’un viol collectif par six jeunes blancs en 1944. Décédée le 28 décembre dernier à 97 ans, Recy Taylor avait dénoncé ses agresseurs et tenté en vain de les traîner en justice. Ils sont restés impunis, même si l’un d’eux avait confessé son crime.

Leur impunité semble inconcevab­le par les temps qui courent. Dès les premières dénonciati­ons publiques, des personnali­tés aussi réputées que Harvey Weinstein, Louis C.K. ou Kevin Spacey ont tout perdu. Dans leur cas comme dans celui de Rozon, Salvail, Dutoit et plusieurs autres, les cours de justice n’ont pas eu besoin d’intervenir. L’opinion publique les a pendus haut et court sans autre forme de procès.

Est-ce à dire que les choses ont changé au point où Oprah Winfrey a eu raison d’affirmer qu’un « nouveau jour s’est levé » et que plus une seule femme n’aura à dire ou à écrire « moi aussi » ? Je voudrais bien être aussi optimiste, mais je ne suis pas convaincu que cette soudaine offensive des femmes pour le respect et l’égalité changera notre société si rapidement et de façon durable.

BEAUCOUP DE CHEMIN À FAIRE

Le gala même a fait la preuve qu’on ne change pas le monde du jour au lendemain. Il n’y avait, par exemple, aucune femme parmi les réalisateu­rs en nomination, ce que n’a pas manqué de souligner Natalie Portman, qui présentait le trophée.

Chez nous, l’office national du Film s’est donné comme objectif que d’ici à 2020, 50 % des films qu’il finance soient réalisés par des femmes et que celles-ci y tiennent des rôles équivalent­s à ceux des hommes, devant et derrière la caméra. Le Fonds des médias, qui finance les émissions de télé, poursuit les mêmes objectifs.

En 2020, si les femmes touchent les mêmes cachets que les hommes, qu’elles réalisent le même nombre de films et d’émissions de télé, qu’elles occupent derrière la caméra un nombre de postes égal à celui des hommes et qu’oprah Winfrey devient la première présidente des États-unis, je croirai que le monde a enfin changé !

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

Dimanche, la conférence de presse de Marc Bergevin était aussi passionnan­te que la plupart des parties du Canadien.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada