Entre espoir et résignation
Des résidents s’affairent à sauver leur maison, alors que d’autres sont résignés
Si plus de 60 personnes ont dû être évacuées à la suite de l’inondation dans le secteur Duberger-les Saules, d’autres veillent au grain pour tenter de sauver leur résidence des eaux glaciales de la rivière Saint-charles.
Alain Dostie a été chanceux dans sa malchance : sa maison, située au coin des avenues Saint-léandre et Marivaux, est légèrement surélevée par rapport à la rue, submergée depuis samedi après que la rivière est subitement sortie de son lit.
L’homme a rapidement installé quatre pompes dans son sous-sol ; sans elles, les eaux de la Saint-charles se seraient assurément saisies de sa résidence.
« Gracieuseté d’un noble concitoyen ! Il m’a dit “Hé, j’ai trois pompes chez moi et je pourrais te les prêter”. Ça a possiblement sauvé ma maison », témoigne M. Dostie, pointant quatre tuyaux aboutissant dans la rue et dont les débits s’apparentent à de gros arrosoirs.
La plupart de ses voisins ont déjà été forcés de lancer la serviette, tellement l’eau a déferlé inopinément et sévèrement sur le voisinage. Il en est sauf pour de moindres dommages à son sous-sol… pour l’instant.
« Si le niveau d’eau ne baisse pas, je suis fait. Il faut que ça baisse. Je ne peux pas garder ça une semaine », prévient M. Dostie, dont la maison n’est pas située en zone inondable.
« On ne nous donne pas d’information. Ça arrive au compte-gouttes. On n’a pas été contacté par la sécurité civile », déplore-t-il.
VENTES À L’EAU
Un agent d’immeuble devra lui aussi faire un deuil, mais d’un tout autre ordre. Pierre Paradis est le courtier immobilier d’une résidence de l’avenue Saint-léandre qui avait trouvé preneur. Or, comme la vente ne prend effet qu’au moment de la prise de possession des lieux, ce n’est pas que la maison qui est à l’eau ; sa vente aussi.
« J’avais trois ventes avec cette maison-là… On est fait à l’os. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire. Qui va vouloir acheter ça ? La vente va s’annuler, le contrat ne passait que le 1er juin », regrette-t-il, lui dont la pancarte « Vendu » était bien visible au beau milieu des eaux (voir photo à gauche).
« On travaille pour ça. Ça ne se fait pas tout seul. Je ne me plains pas, j’aime ça, faire ça. Mais c’est pas mal d’efforts, de la négociation, des inspections pour lesquelles les propriétaires dépensent », plaide M. Paradis.
Les propriétaires de cette maison inondée ne seront pas les seuls qui garderont un souvenir amer de ce début d’année 2018.
« Ils viennent de perdre pas mal d’argent. Vendre une maison en zone inondable, le financement est presque le double », indique le vétéran courtier.
PRISONNIERS DES GLACES
Les nombreux curieux qui ont déambulé autour de la zone sinistrée, hier, ont pu assister à des scènes saisissantes. Avec un mercure qui avoisinait les -26 degrés Celsius en matinée, une couche de glace s’est formée sur la surface de l’eau, présentant les véhicules pris dans les eaux comme des îlots de glace au coeur du courant.
La fascination des passants détonnait toutefois avec le malheur des résidents, dont certains ont tout laissé derrière pour fuir cette marée subite.
« On y va au jour le jour », dit Raynald Lachance, l’une des douze personnes prises en charge par la Croix-rouge.
« On ne voit même plus la fenêtre du sous-sol », lâche-t-il, constatant les lourds dégâts à sa résidence.
Ce n’est pas la première fois que la rivière Saint-charles s’invite dans le quartier, se rappellent de nombreux résidents. Toutefois, d’aucuns affirment que la mouture 2018 est plus affligeante que les précédents débordements.
« [Samedi], ça coulait comme en pleine rivière. Ç’a pris cinq minutes. C’est pire qu’en 1981 », assure Laurent Fiset, en référence aux crues printanières, qui, à l’époque, avaient pris trois jours avant de se retirer.