Le Journal de Quebec

Il sera difficile de juger les fautifs

Un expert en médecine d’urgence vient à la défense des conducteur­s qui consomment de la marijuana médicale

- ANNABELLE BLAIS

VANCOUVER | Appliquer une politique de tolérance zéro sur les routes pour le cannabis est une idée « ridicule » qui ne passera pas le test des tribunaux, croit un docteur en médecine d’urgence.

« C’est ridicule ! Les gens qui consomment de la marijuana médicale ne pourront jamais conduire ! », a répété plusieurs fois le Dr Ian Mitchell, docteur en médecine d’urgence et professeur associé à l’université de Colombie-britanniqu­e.

Ce dernier présentait hier une conférence dans le cadre du Lift Cannabis Expo qui se tenait ce week-end, à Vancouver.

Le médecin n’hésite pas à traiter ses patients avec du cannabis médical. Il codirige aussi une étude clinique sur le traitement du syndrome post-traumatiqu­e en partenaria­t avec l’université de la Colombie-britanniqu­e et Tilray, un producteur de cannabis autorisé.

INQUIÉTUDE­S

Plusieurs personnes qui assistaien­t à la conférence sur la conduite avec les facultés affaiblies s’inquiétaie­nt de ne plus pouvoir prendre le volant si la tolérance zéro est appliquée.

« Mais après combien de temps après avoir fumé puis-je conduire ? », a demandé une dame souffrant de fibromyalg­ie qui consomme du cannabis quotidienn­ement. Le docteur n’avait pas de réponse claire à donner.

« Ça varie d’une personne à l’autre », a-t-il expliqué. Cela illustre bien, selon lui, l’absurdité de telles réglementa­tions comme le prévoit notamment le Québec.

Le principal problème à ses yeux est que les tests qui sont à l’essai et qui sont présentés comme une solution miracle ne feront que détecter la présence de THC (cannabis) dans l’organisme.

« Ce qui n’est absolument pas une référence scientifiq­ue pour dire si la personne a les facultés affaiblies, croit-il. Je ne peux pas croire qu’on gaspille de l’argent dans ces équipement­s ! »

Il est d’avis que tous ceux qui se feront arrêter pourront d’ailleurs plaider cet argument en cour. « Et ils gagneront ! »

FACULTÉS AFFAIBLIES

Si les gouverneme­nts prenaient la question véritablem­ent au sérieux, dit-il, ils se pencheraie­nt sur la conduite avec facultés affaiblies en générales.

Il rappelle que des études montrent que les capacités de conduire sont notamment affectées par le Benadryl, les opiacés, la consommati­on de somnifère 12 heures avant la conduite. Le fait de manger ou d’avoir un animal dans la voiture peut aussi être une source de distractio­n.

« Je ne dis pas que le cannabis n’affecte pas les facultés, mais je dis que ça les affecte moins que les gens le pensent », a-t-il insisté.

Pour le moment, deux études sur l’augmentati­on des accidents dans les États du Colorado et de Washington où le cannabis a été légalisé, montrent des augmentati­ons de 0 à 3 % , illustret-il. « Il ne faut pas céder à la panique non plus. »

Il a rappelé aussi que la légalisati­on du cannabis n’excusera en rien les comporteme­nts irresponsa­bles.

« Vous ne conduiriez pas dans les minutes après avoir avalé un somnifère tout comme vous ne prendriez pas le volant tout de suite après avoir fumé ou mangé un biscuit au cannabis. »

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PHOTO D’ARCHIVES Plusieurs personnes qui assistaien­t à la conférence sur la conduite avec les facultés affaiblies au Lift Cannabis Expo, à Vancouver, s’inquiétaie­nt de ne plus pouvoir prendre le volant si la tolérance zéro face au pot est appliquée.

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