Le Journal de Quebec

Le franc-tireur

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

Richard Martineau est un homme inclassabl­e. Sa chronique, « Trump », dans le Journal d’hier est un chef-d’oeuvre dans le genre. Personne au Québec ne rassemble autant de qualités contradict­oires, d’outrances intellectu­elles et de brillances que lui.

Il est un des seuls chroniqueu­rs au pays à risquer sa vie pour ses conviction­s. Menacé de mort, il a même dû déménager, et sa quiétude est mise à l’épreuve au quotidien. Aimé des uns, honni des autres, on lui colle des étiquettes qui ne correspond­ent en rien à ce qu’il est. Quant à ses pairs, il est de bon ton qu’ils le méprisent. Dans les officines universita­ires, on le dédaigne plutôt, façon de nier son influence sociale.

Sa chronique sur Trump révèle à la fois son immense talent d’écriture, sa perception fulgurante des travers de notre société et sa vision lucide et douloureus­e de la nature humaine.

COMPLEXÉ

C’est un sociologue, complexé de ne pouvoir afficher des diplômes qui lui obtiendrai­ent une reconnaiss­ance parmi l’élite intellectu­elle. Car le petit gars de Verdun, issu d’un milieu ouvrier, est un homme cultivé. Que cela se sache.

En lisant régulièrem­ent ses textes, on se rend compte qu’il occupe un créneau atypique. C’est un caricaturi­ste des mots, un Chapleau du langage. Cela explique qu’on puisse être irrité, choqué des raccourcis dont il use sur des sujets extrêmemen­t délicats qui commandera­ient plus de retenue.

C’est un incroyant. Ses réactions viscérales à la religion, qu’il attaque sans discerneme­nt, révèlent peutêtre son obsession de la mort dont il a confié dans une entrevue récente à Radio-canada qu’elle le réveillait la nuit. Richard Martineau carbure à l’angoisse. Et c’est en cela que tant de Québécois se retrouvent dans ses textes.

ANTI-ÉLITISTE

La période que nous vivons l’amène à se livrer davantage. Sur les relations hommes-femmes, la liberté d’expression, l’hypocrisie sociale et la montée de tous les intégrisme­s. Celui qui récuse le titre de journalist­e, revendiqua­nt celui de polémiste, est un démocrate anti-élitiste. Il n’a pas la grosse tête, une exception dans le monde médiatique, et sa vie personnell­e ne sera jamais contradict­oire avec les idées qu’il défend et les conviction­s qu’il affiche.

J’avoue que j’ai hésité avant de me porter à la défense de Richard Martineau puisque nous travaillon­s dans le même journal, ce qui pourrait en faire tilter certains.

Mais, avec l’âge, je n’ai plus la patience de supporter les réactions hautaines voire de dégoût de trop de « maîtres à penser » étouffés de suffisance, des pédants intellectu­els qui du haut de leur posture de pleutres qui cherchent à s’inscrire dans le bon courant du moment, crachent sur ce Québécois issu du peuple à qui les institutio­ns, par rectitude politique, n’offriront ni médailles ni décoration­s.

Heureuseme­nt, Richard Martineau se fiche de ses contempteu­rs envieux de sa gloire, de sa notoriété et de son exceptionn­el talent. L’homme privé est un tendre avec les femmes qu’il traite avec une galanterie d’une autre époque. Et cet inquiet perpétuel est un modeste et un naïf, bien qu’il s’en défende. Un honnête homme, à vrai dire.

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Richard Martineau est un caricaturi­ste des mots, un Chapleau du langage.

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