Le Journal de Quebec

La servante écarlate

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Vous savez à quel point l’écrivaine canadienne Margaret Atwood est populaire depuis que son livre La servante écarlate a été porté au petit écran.

Grâce à cette série (disponible sur illico), les féministes voient en elle une ambassadri­ce de la Cause. Sauf qu’en fin de semaine, Margaret Atwood a commis un crime très grave. Elle a osé interroger le mouvement #Moiaussi et s’inquiéter des risques de dérapage, de lynchage. Ayoye !!! Elle s’est fait ramasser avec une brique et un fanal.

CROIS OU MEURS !

Dans un texte publié samedi dans le Globe and Mail, Atwood demande : « Suis-je une Mauvaise Féministe ? » C’est qu’il y a deux ans, elle avait dénoncé le fait qu’un prof de Colombie-britanniqu­e ait été accusé d’inconduite sexuelle sans qu’une véritable enquête ait lieu et sans qu’il ait eu l’occasion de présenter sa version des faits. Atwood a qualifié cette histoire de « chasse aux sorcières », un cas où un individu est trouvé coupable d’un crime X juste parce qu’il est accusé d’un crime X.

Tout ce que dit Margaret Atwood, c’est que tout individu a droit à une défense pleine et entière, et si des accusation­s sont portées, tout individu a droit à un procès juste et équitable.

Comme le dit Margaret Atwood, le mouvement #Moiaussi est un désaveu du système de justice qui n’a pas toujours su écouter les victimes. Soit. Mais par quoi le remplace-t-on, demande-t-elle ? Et qui va décider de quelle façon on juge dorénavant les gens ? Et qui va les trouver coupables ou innocents dans ce nouveau tribunal ?

Ce que dit Margaret Atwood est somme toute assez simple, une évidence, le gros bon sens, une inquiétude légitime dans une société de droit.

Mais son texte dans le Globe and Mail a été accueilli par certains fans avec une telle violence qu’on avait l’impression qu’elle avait écrit un brûlot antifemmes, réactionna­ire et discrimina­toire.

Cette phrase du texte de Margaret Atwood est essentiell­e : « Dans une période d’extrêmes, les extrémiste­s gagnent. Leur idéologie devient une religion, et quiconque ne répète pas leurs vues comme un perroquet est perçu comme un apostat, un hérétique ou un traître, et les modérés au centre sont éradiqués. »

Si seulement les militants de #Moiaussi, qui adorent Margaret Atwood quand elle dénonce les dérives totalitair­es dans La Servante écarlate, l’écoutaient aussi quand elle les met en garde contre leurs propres dérives…

DE ATWOOD À DENEUVE

Dans un texte publié aujourd’hui dans Libération, Catherine Deneuve persiste et signe… et clarifie sa position, à la suite de la lettre qu’elle a signée avec 99 autres pour dénoncer les dérapages de #Moiaussi.

Qu’on soit d’accord ou pas avec sa position sur « la liberté d’importuner », tout le monde devrait lire le passage suivant : « J’ai enfin signé ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentiell­e : le danger des nettoyages dans les arts. Vat-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un artiste pédophile et effacer ses toiles ? Décrocher les Gauguin des musées ? Détruire les dessins d’egon Schiele ? Interdire les disques de Phil Spector ? Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés ».

En effet, Madame Deneuve, c’est inquiétant…

Margaret Atwood a commis un crime très grave. Elle a osé interroger le mouvement #Moiaussi et s’inquiéter des risques de dérapage, de lynchage.

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