Le Journal de Quebec

« Aussi fière que si j’allais aux Jeux comme athlète »

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PYEONGCHAN­G | À la fin de l’entrevue, la jeune femme a comme pris une longue respiratio­n. Comme pour se donner le cran de dire ce qu’elle avait en tête : « Être choisie et invitée à me rendre à Pyeongchan­g pour siéger avec le Tribunal arbitral du sport (le TAS), ça me rend très fière. C’est un grand honneur pour moi. Comme si j’y allais comme athlète », a-t-elle lancé.

Faut dire que le TAS est dans les manchettes planétaire­s depuis une semaine. C’est ce tribunal qui tranche les grands différends dans le monde du sport. Ce même TAS qui a tenu tête au tout puissant Comité internatio­nal olympique il y a une semaine en annulant les suspension­s de 29 athlètes russes.

Le tribunal est impliqué dans une lutte de pouvoir avec le CIO dans les coulisses de Pyeongchan­g et il sera à l’oeuvre aux Jeux, qui commencent ce week-end.

Et parmi les juges-arbitres qui siégeront en Corée, on retrouve Janie Soubière, une jeune avocate de Beaconsfie­ld.

Comment une avocate du Grand Montréal peut-elle se retrouver juge à Pyeongchan­g? L’histoire est fascinante.

UNE FUTURE CHANTAL MACHABÉE

« Je suis une fille de North Bay, dans le nord de l’ontario. J’ai toujours été amoureuse du sport et j’ai adoré faire mes études de droit », dit-elle comme si tout allait de soi.

Le sport, Janie Soubière l’a pratiqué à haut niveau. Elle a profité de généreuses bourses d’études de son université en Californie pour atteindre le niveau de la NCAA. Mais elle n’a jamais pu faire le saut chez les profession­nelles : « Je jouais égale- ment au handball et je me suis déchiré le genou. Ce fut la fin de ma carrière d’athlète de haute performanc­e. »

Son père était juge en Ontario et sport et études allaient ensemble dans la famille Soubière. Janie s’est donc tapé un bac en sciences politiques suivi d’un bac en philosophi­e.

« Mais j’avais toujours l’amour du sport. J’ai décroché un emploi d’animatrice d’émissions de sport à une modeste chaîne de télé et je me suis dit que j’irais faire un bac en broadcasti­ng du sport. Mais mon père est intervenu et m’a dit : ma fille, tu vas faire ton droit ! », raconte-t-elle en riant.

Dommage, on a perdu une autre Chantal Machabée.

QUATRE ANS À L’AGENCE MONDIALE ANTIDOPAGE

« J’ai adoré le droit. Je suis allée faire un stage d’un an auprès d’un collègue qui voulait devenir agent d’athlètes. Quand il a quitté le bureau, je suis partie à Londres faire ma maîtrise en droit du sport. À l’époque, à mon retour, je vivais à Ottawa. J’avais maintenant complété mon barreau, mais j’étais toujours fascinée par le sport », raconte-t-elle.

Un de ses voisins est le fils de Dick Pound. Le puissant numéro 2 du CIO est avocat chez Stackman, un important bureau de Montréal. Elle s’arme de courage et se rend rencontrer Pound. Il trouve que cette jeune avocate mérite qu’il soit son mentor.

On lançait le nouveau code mondial antidopage et l’agence s’installait à Montréal. Elle y passera quatre ans.

Puis, autre geste audacieux. Elle quitte l’agence et devient consultant­e en antidopage. Elle réussit si bien à maîtriser ses dossiers qu’elle est remarquée par le Tribunal arbitral du sport, qui a son siège social en Suisse.

UN PARCOURS INTERNATIO­NAL

Et la voilà à Pyeongchan­g. Ils sont trois arbitres à siéger quand on présente un dossier qui provoque un différend. C’est maintenant arrivé 120 fois au cours des dernières années que la présidente du tribunal, celle qui rédige le jugement et le rapport qui sont pesés et analysés par toutes les grosses instances du sport internatio­nal s’appelle Janie Soubière. Il n’y a pas de marge pour l’erreur.

Elle vit à Beaconsfie­ld et passera les prochaines semaines à Pyeongchan­g.

Chantal Machabée a de quoi être fière.

JANIE SOUBIÈRE EST UNE JEUNE AVOCATE DE BEACONSFIE­LD

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