Quand on annonce « bar ouvert »
Les infirmières ont fait plier le gouvernement comme une brindille en 10 jours. Le nouveau ton conciliant du ministre de la Santé cette semaine doit être interprété comme un aveu qu’il n’a pas d’autre choix que de céder à leurs demandes.
Combinaison de facteurs : les infirmières ont la sympathie du public, le gouvernement a donné énormément aux médecins, l’élection approche. Mais par-dessus tout, le gouvernement a installé le message qu’il a de l’argent. C’est le point crucial.
LES MILLIARDS
Après un début de mandat où il s’est présenté en gestionnaire rigoureux, le gouvernement Couillard a considérablement changé de refrain. De l’argent, il y en a. Les annonces se multiplient. Les millions et les milliards ont déferlé dans une série d’annonces en décembre et en janvier.
Dans le cas des infirmières, j’insiste pour dire que les problèmes qu’elles ont mis sur la place publique sont réels. La surcharge des infirmières dure depuis des années. Au nom des soins au public, nous devons nous réjouir de constater que le gouvernement et les établissements sont enfin forcés de s’y attaquer.
Ne soyons pas naïfs. Le gouvernement s’est fait forcer la main par une stratégie syndicale intelligente. Les infirmières ont fait le calcul que le gouvernement ayant annoncé des marges de manoeuvre financière, il serait coincé en année électorale. Bon calcul ! Victoire des infirmières.
Pensez-vous que d’autres groupes de pression ont pris note du succès des infirmières ? C’est là l’imprudence infinie d’un gouvernement qui passe le message qu’il a de l’argent disponible. C’est comme crier « bar ouvert ». Les intéressés affluent.
TOUT LE MONDE AU BUFFET !
Jetez un oeil sur l’actualité. Ils sont en ligne. Les optométristes menacent de se retirer de la RAMQ : ils jugent que le temps est venu que soient revus leurs honoraires pour les enfants, les assistés sociaux et les personnes âgées.
Les médecins résidents menacent de faire grève. Ils veulent obtenir un rehaussement de leur rémunération ainsi que davantage de congés.
Les organismes communautaires ont manifesté cette semaine pour plus de financement. Dans leur cas, manifester n’est pas une rareté, mais comprenons qu’ils jugent le présent contexte idéal pour obtenir un peu plus.
Même les médecins qui n’ont pas été privés depuis quelques années sont à des tables de négociation. Spécialistes et omnipraticiens. Le ministre Gaétan Barrette a été tassé des négociations par le premier ministre parce qu’il était trop dur et conflictuel. La bonne entente recherchée va bien venir avec quelques dollars supplémentaires.
Les chauffeurs d’autobus scolaires manifestent dans plusieurs régions pour améliorer leurs conditions. Leur cause est valable : ce sont des gens sous-payés. Mais notez qu’ils ont eux aussi pensé que cette période était idéale pour faire plier le gouvernement.
Prédiction : la semaine prochaine, quelques groupes supplémentaires vont se manifester. Ils ont entendu « bar ouvert ».
Le gouvernement n’aura pas d’autre choix que de fermer la porte sur les doigts d’un groupe pour calmer les attentes… qu’il a créées.