Le Journal de Quebec

Une souffrance symptomati­que de la maladie du système de santé

Le message d’émilie, criant de vérité et de désespoir, ne peut laisser indifféren­t. Passé le premier choc, il mérite cependant d’être suivi d’une vraie réflexion. Malheureus­ement, ça ne semble pas être la direction que prend le débat. La plupart des édito

- DR HUGO VIENS

Vraiment ? Si seulement c’était le cas. Mais c’est oublier que notre système de santé, dont l’organisati­on date des années 70, n’est plus en mesure de répondre aux besoins actuels. Les personnes âgées sont plus nombreuses, les maladies chroniques se multiplien­t et les besoins en soins aussi !

AUTOUR DU CURATIF ET DES HÔPITAUX

Pourtant, notre système de santé tourne toujours autour du curatif et des hôpitaux. Son financemen­t aussi. Les médecins sont son coeur. On leur a appris à faire des diagnostic­s et des plans de soins pour guérir des patients. Aujourd’hui pourtant, on ne guérit pas de la démence. On ne guérit pas d’avoir 92 ans. En revanche, on a besoin de soins de longue durée. Des soins qui devraient être pris en charge par des équipes. Mais faute d’avoir implanté ces équipes, on épuise les infirmière­s, laissées à ellesmêmes pour prendre en charge des patients toujours plus lourds.

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi le réseau est si lourd ? Pourquoi le réseau déborde tout le temps? Si nous voulons venir en aide aux infirmière­s et aux patients, nous devons prendre le temps de nous interroger sur la façon dont nous consommons les soins de santé. C’est-àdire se demander si l’on hospitalis­e les bons patients ? Et si oui, si l’on ne peut pas prévenir beaucoup de ces hospitalis­ations ou même accepter que le vieil âge ne devrait pas toujours être pris en charge par l’hôpital ?

UN SEAU SANS FOND

Tant que l’on ne se posera pas ces questions, on pourra toujours augmenter les ressources, on continuera d’essayer de remplir un seau sans fond. Depuis des années, L’AMQ fait des travaux qui montrent que la solution est ailleurs. Il faut travailler sur la pertinence des services, arrêter d’investir toujours plus dans le curatif et travailler pour mieux accompagne­r les malades chroniques, quand ils sont encore à domicile.

En agissant en amont, on peut empêcher qu’ils ne décompense­nt, et donc avant que leur condition ne devienne incontrôla­ble et qu’il faille les envoyer à l’hôpital. Encore faut-il avoir une première ligne organisée pour ce type d’interventi­on, avec des équipes formées pour utiliser des indicateur­s destinés à détecter les malades à risque de se rendre à l’urgence.

Alors, on a le choix. On peut ajouter des infirmière­s à l’hôpital et leur donner plus de soutien pour s’occuper de patients plus lourds, mais comme toujours cela reviendra à mettre un pansement adhésif sur une plaie infectée. Autrement, on peut aussi s’attaquer à ce qui gangrène notre système et permettre aux infirmière­s de travailler en vraie interdisci­plinarité et d’aller sur le terrain auprès des patients, quand ils ne sont pas encore des cas trop lourds. Certaines IPS (infirmière­s praticienn­es spécialisé­es) de première ligne le font déjà, ainsi que des infirmière­s clinicienn­es, et cela a fait ses preuves. On prévient ainsi l’entrée de bien des patients dans le système avec les économies que cela implique. Donc, plutôt que d’ajouter des infirmière­s à l’hôpital, ajoutons des infirmière­s avec une autonomie dans les GMF, pour la prise en charge des personnes âgées et des malades chroniques.

Le Dr Hugo Viens est président de l’associatio­n médicale du Québec (AMQ). Il est médecin spécialist­e en chirurgie orthopédiq­ue.

 ??  ?? Notre système de santé tourne toujours autour du curatif et des hôpitaux. Son financemen­t aussi.
Notre système de santé tourne toujours autour du curatif et des hôpitaux. Son financemen­t aussi.

Newspapers in French

Newspapers from Canada