Le Journal de Quebec

Un problème accablant pour l’industrie

Les dirigeants d’entreprise sont à bout de souffle, alors qu’on anticipe 23 % de départs à la retraite en 2025

- Diane Tremblay l@ tremblay_jdeq

Le président d’érablières des Alleghanys de Saint-pacôme, dans le Bas-saint-laurent, près de La Pocatière, porte plusieurs chapeaux. En plus de gérer sa PME, Sylvain Lalli doit conduire des camions pour aller chercher le sirop d’érable chez ses fournisseu­rs.

La taille de l’entreprise lui permet encore de délaisser de temps en temps le fauteuil de président pour aller sur le terrain, mais l’homme d’affaires avoue que la situation n’est pas idéale.

« Oui, je porte plusieurs chapeaux. Peutêtre un peu trop. Je roule en moyenne 60 000 km par année. C’est secondaire à mes tâches de président », lance-t-il d’emblée.

« La pénurie de main-d’oeuvre, c’est catastroph­ique. Par contre, je suis chanceux, car je suis entouré de ma famille, avec ma conjointe, mes trois enfants, mes deux gendres et mes neveux qui viennent à l’occasion. Ça arrive que le personnel de bureau descende dans l’usine. On n’a pas le choix », raconte M. Lalli.

L’entreprise du Bas-saint-laurent, qui transforme six millions de bouteilles de sirop d’érable par année, exporte 99 % de sa production en Europe et au Japon. Pour se donner un peu de souffle, M. Lalli aurait besoin de 10 travailleu­rs, mais il n’en trouve pas. L’entreprise emploie déjà 33 personnes.

L’ENJEU NUMÉRO 1

« Si on avait plus de main-d’oeuvre, notre chiffre d’affaires serait plus élevé. On est bloqués », déplore le président de l’entreprise.

La pénurie de main-d’oeuvre est le principal défi de l’industrie agroalimen­taire, reconnaît Sylvie Cloutier, la PDG du Conseil de la transforma­tion alimentair­e du Québec (CTAQ).

« On a un million de lignes à l’eau, mais ça ne règle pas le problème. Il n’y en a pas, de main-d’oeuvre. La problémati­que est encore plus grave en région », lance-t-elle.

« En fait, plus le temps passe, pire c’est. Les demandes des consommate­urs changent et on doit investir beaucoup en innovation, mais le manque de maind’oeuvre limite le type d’interventi­ons qui doivent être faites par les transforma­teurs pour suivre la cadence. »

Le Conseil canadien pour les ressources humaines en agricultur­e (CCRHA) anticipe que 10 600 postes risquent de demeurer non pourvus en 2025, ce qui créera des pertes de revenus de l’ordre de 375 M$ pour l’économie québécoise.

COMPÉTITIO­N FÉROCE

« C’est difficile d’embaucher, particuliè­rement en Beauce, où l’on a un tissu très manufactur­ier. On sent une forte concurrenc­e pour la main-d’oeuvre », dit de son côté Thomas Quirion, directeur des ressources humaines aux Industries Bernard, qui est un des plus importants transforma­teurs de sirop d’érable du Québec avec 80 employés.

« Non seulement il faut attirer la maind’oeuvre, mais il faut la retenir », ajoute M. Quirion.

Même son de cloche du côté du Saguenay–lac-saint-jean, qui se vide de ses jeunes au profit des grands centres comme Québec et Montréal.

« Faire du désherbage, ça les intéresse moins. On n’échappe pas à la pénurie. Soit on embauche de la main-d’oeuvre étrangère, soit on robotise. On a des budgets pour moderniser nos équipement­s, mais on ne peut pas mettre 20 M$ d’un coup », dit Jean-pierre Senneville, le président de l’entreprise Les Bleuets sauvages qui compte plus de 500 employés dans ses cinq usines.

LA « MARQUE EMPLOYEUR »

Selon M. Quirion, la « marque employeur » est devenue une nécessité. Pour se démarquer, les entreprise­s doivent avoir une bonne réputation, offrir de bonnes conditions de travail et être attrayante­s sur les réseaux sociaux.

Plusieurs entreprise­s ont compris la game. Depuis juillet dernier, Olymel a réussi un tour de force en embauchant 955 personnes, principale­ment au Québec. D’après Louis Banville, vice-président des ressources humaines, il reste encore 500 postes à pourvoir. C’est sans compter les besoins à venir à Yamachiche, où Olymel fait un investisse­ment de 110 M$ pour agrandir l’usine.

Pour arriver à pourvoir tous ces postes, Olymel a complèteme­nt revu sa stratégie de recrutemen­t. Malgré le fait que 77 % de la main-d’oeuvre provient d’un rayon de 50 km autour de ses établissem­ents, Olymel n’a pas d’autre choix que de se tourner vers des travailleu­rs étrangers temporaire­s.

Elle s’apprête d’ailleurs à accueillir 119 travailleu­rs de l’île Maurice à son usine de Vallée-jonction.

 ?? PHOTO COURTOISIE ?? Malgré un chiffre d’affaires de 30 M$, Sylvain Lalli, le président d’érablières des Alleghanys, dans le Bas-saintLaure­nt, conduit aussi des camions, car il manque de main-d’oeuvre.
PHOTO COURTOISIE Malgré un chiffre d’affaires de 30 M$, Sylvain Lalli, le président d’érablières des Alleghanys, dans le Bas-saintLaure­nt, conduit aussi des camions, car il manque de main-d’oeuvre.
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