Le Journal de Quebec

Recyclage à la croisée des chemins

Les centres de tri ont beaucoup à faire pour fournir une matière de qualité, selon des experts du plastique

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Le Québec est devenu dépendant de la Chine pour traiter ses matières recyclable­s, car il a perdu son savoir-faire en matière de recyclage, selon deux experts du secteur du plastique.

« À force de faire de la médiocrité, c’est ça que ça donne », critique Louis Métivier, ex-président de Recyc RPM, un géant du recyclage de plastique qui a fermé en 2014.

Selon lui, les centres de tri ont encore du chemin à faire pour fournir une matière de qualité aux recycleurs. Il explique qu’une trop grande part de ce qu’il leur achetait finissait à la poubelle.

« Ça nous coûtait 100 000 $ par mois pour se débarrasse­r des rejets », dit-il. Les rejets, ce sont des matières trop contaminée­s pour être réutilisée­s. La source première de cette contaminat­ion, indique-t-il, ce sont les tessons de verre minuscules qui s’immiscent partout.

En plus de Recyc RPM, sept autres entreprise­s de recyclage du plastique ont fermé leurs portes, dont Berou Internatio­nal, Solplast et Polychem.

PERTE D’EXPERTISE

« Maintenant, on est dépendant plus que jamais d’autres pays, comme la Chine, avec lesquels on doit monnayer notre matière », déplore le président-directeur général du Conseil des industries durables, Pierre Fillion.

Face à la fermeture du marché chinois, Recyc-québec a débloqué 3 millions $ pour améliorer la qualité et la quantité des matières qui sortent des centres de tri et favoriser « un meilleur arrimage » entre les trieurs et les recycleurs.

De plus, depuis septembre, dans le cadre d’un projet-pilote d’éco-entreprise Québec, cinq centres de tri ont installé de nouveaux équipement­s pour le verre afin d’éliminer la contaminat­ion.

« Le Québec doit faire davantage pour que les matières recyclable­s récupérées sur son territoire soient conditionn­ées et recyclées le plus possible au Québec », déclare Sonia Gagné, PDG intérimair­e de Recyc-québec.

EX-PDG de la Fédération des plastiques et alliances composites, M. Fillion estime que la pente sera difficile à remonter, car avec la vague de fermetures d’entreprise­s « on a perdu l’infrastruc­ture de transforma­tion, le parc industriel, c’est grave ».

PROGRÈS EN COURS

Mais Guillaume Villemure, directeur des approvisio­nnements chez Soleno, est plutôt optimiste. Avec de simples bouteilles de lessive récupérées, son entreprise conçoit un produit fini à haute valeur ajoutée, ce qui n’était pas le cas des sociétés qui ont fermé, explique-t-il.

« Le modèle d’affaires a beaucoup évolué depuis la vague de fermetures et les centres de tri font beaucoup mieux qu’avant », dit-il, indiquant que, bien que réelle, la contaminat­ion par le verre ne lui cause pas de maux de tête.

Selon lui, la fermeture du marché chinois va se transforme­r en opportunit­é pour que les recycleurs québécois et les citoyens jouent un rôle clé dans la réussite du virage.

« C’est le citoyen qui est mon fournisseu­r principal, insiste M. Villemure. Chaque bouteille qu’il met dans le bac, c’est de la matière en moins que j’ai besoin d’acheter à l’industrie de la pétrochimi­e. »

 ?? PHOTOS COURTOISIE SOLENO ?? Ce camion (ci-haut) dépose du polyéthylè­ne provenant de centres de tri à l’usine de Soleno à Yamachiche, en Mauricie. Sur place, 65 personnes handicapée­s conditionn­ent ce plastique afin qu’il soit transformé en produits à haute valeur ajoutée (en...
PHOTOS COURTOISIE SOLENO Ce camion (ci-haut) dépose du polyéthylè­ne provenant de centres de tri à l’usine de Soleno à Yamachiche, en Mauricie. Sur place, 65 personnes handicapée­s conditionn­ent ce plastique afin qu’il soit transformé en produits à haute valeur ajoutée (en...

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