Ça déraille
Le 15:17 pour Paris Un film de Clint Eastwood Avec Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone
Depuis les débuts de sa carrière, tant d’acteur que de réalisateur puis producteur, Clint Eastwood s’intéresse à des personnages poussés à bout. Une telle exploration a conduit Eastwood à approfondir la notion de sacrifice, ses protagonistes, quels qu’ils soient, devant nécessairement renoncer à quelque chose pour parvenir à leur but, qu’il soit noble ou pas.
Le cinéaste de 87 ans flirte avec la notion de héros, déclinée en autant de palettes qu’il y a d’actes. Et, comme il est américain jusqu’au bout des ongles, le concept du destin manifeste imprègne la vision morale et spirituelle qu’il a de ses compatriotes.
De là naît son questionnement autour de la prédestination. Les héros sont-ils nés ainsi ou s’agit-il d’un concours de circonstances ? Leur cheminement suffit-il à expliquer leur(s) acte(s) ? Ainsi, dans cette optique, Tireur d’élite américain puis Sully ne peuvent être réduits à de simples panégyriques, mais doivent être vus comme des portraits, les plus fidèles possible, de personnages réels auxquels le spectateur choisit ou non d’adhérer.
C’est dans ce contexte qu’entre en gare ce 15:17 pour Paris, adapté (par Dorothy Blyskal, scénariste jusqu’à présent inconnue) de l’ouvrage The 15:17 to Paris: The True Story of a Terrorist, a Train, and Three American Soldiers de Jeffrey E. Stern, Spencer Stone, Anthony Sadler et Alek Skarlatos. Le film raconte la tentative d’ayoub El Khazzani, le 21 août 2015, de tuer les passagers d’un train reliant Amsterdam à Paris et la manière dont trois amis d’enfance américains – Spencer Stone, Anthony Sadler et Alek Skarlatos – mettent le terroriste hors d’état de nuire au mépris du danger.
BANAL ET ENNUYEUX
Clint Eastwood s’appesantit donc, sans sa finesse habituelle, sur l’enfance typiquement américaine des trois amis – qui tiennent leur propre rôle (une bien mauvaise décision tant le trio joue mal) – où se mêlent christianisme, mères monoparentales (qui ne prennent même pas une ride de maquillage entre l’enfance et l’âge adulte de leur progéniture), et armes à feu. L’acte de bravoure en lui-même, découpé et inséré dans la narration du passé, dure peu de temps. Ses détails et son issue sont connus, et, puisqu’ils ont amplement fait les manchettes, le spectateur n’apprend rien de nouveau sur l’événement.
Outre l’erreur de ne pas avoir choisi des acteurs professionnels, le cinéaste fait montre ici de la subtilité d’un AK-47 pour décrire ces trois héros unidimensionnels dont les répliques sont affligeantes de banalité. Il ne laisse place à aucune nuance, aucun non-dit, ce qui prive le spectateur d’une interaction nécessaire.
Ce 15:17 pour Paris se révèle donc être, malheureusement, un trajet de 94 minutes particulièrement ennuyeux.