Sommes-nous tous devenus fous ?
La question n’aurait pas été déplacée cette semaine, ici à Washington. Donald Trump a dit tout et son contraire sur les armes à feu, le commerce avec le reste du monde et même son propre ministère de la Justice, qu’il attaque constamment. Il y a de quoi être pris de vertige, juste à voir arriver et partir les gens qui travaillent/ travaillaient à la Maison-blanche. L’origine de ce cri du coeur vient d’ailleurs toutefois.
Il n’y a rien comme une fin de mandat pour faire sortir « les quatre vérités ». Zeid Ra’ad al Hussein en est à ses derniers mois comme haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. Prince jordanien, diplomate aguerri, c’est le genre d’homme qui pèse ses mots et sait aisément s’exprimer dans ce jargon onusien, mielleux et assommant. Pas cette fois-ci.
Il a d’abord relevé, dans son discours d’ouverture de la 37e session du Conseil des droits de l’homme à Genève, les pires crises actuelles de l’humanité : le siège de Ghouta en Syrie, les violences interethniques dans les provinces d’ituri et de Kasaï en République démocratique du Congo, le Yémen, le Burundi, l’état de Rakhine au Myanmar.
Puis, sans détour, il a qualifié ces crises d’« abattoirs d’humains les plus prolifiques des derniers temps ». Rien de moins : de tuerie à carnage, à boucherie, puis à abattoir, nous en sommes rendus là dans nos relations interpersonnelles. Bravo ! Ce n’est pas tout : je vous dis, rien comme d’être sur le pas de la porte pour régler ses derniers comptes.
LES GRANDES PUISSANCES DE L’INACTION
« Les responsables », a ajouté Zeid Ra’ad al Hussein, « tout de suite après ceux qui tuent et qui mutilent, ce sont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de L’ONU ». L’utilisation de leur veto — pointant surtout en direction de la Chine, de la Russie et des États-unis — a directement contribué, à son avis, à la souffrance extrême que continuent d’endurer des innocents.
« L’oppression est revenue à la mode; l’état sécuritaire est de retour et les libertés fondamentales reculent dans toutes les régions du monde. » Aucun grand leader ne s’en offusque, aucun pays ne se fait le défenseur d’un idéal de respect des droits de la personne. Et certainement plus les États-unis.
RENDUS LÉTHARGIQUES PAR AUTANT D’EXCÈS
C’est comme si, constate le diplomate jordanien, la honte n’avait plus sa place. « Les xénophobes et les racistes en Europe écartent tout sentiment d’embarras. », donnant en exemple le premier ministre hongrois Viktor Orban (qui, début février, affirmait ne pas vouloir « mêler notre couleur de peau à celle des autres ») et le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (qui soutenait récemment que les Juifs étaient partiellement responsables de leur génocide).
Une alarme qui fait écho à celle sonnée il y a quelques jours par Amnesty International dans son rapport annuel sur la violation des droits de la personne dans le monde. Il y a les bourreaux et les tortionnaires, mais aussi ceux qui ferment les yeux sur ce qu’ils voient pourtant clairement.
Et on en revient à l’administration Trump. C’est Foreign Affairs qui, à la mi-février, concluait que cette MaisonBlanche-ci sapait la crédibilité globale des États-unis en effritant le soutien américain au respect des droits de la personne, à la primauté du droit et à la bonne gouvernance.
Et Amnesty International ajoute qu’avec une « rhétorique de haine », Washington a encouragé le fanatisme et les persécutions à travers le monde. À bien y regarder, c’est plutôt une flammèche que la statue de Liberté tient à bout de bras ces jours-ci.