La colonne vertébrale d’une ville en santé
Toronto détient une expertise de plus de 150 ans en matière de tramway
TORONTO | L’implantation d’un système de transport structurant, comme le fera Québec, équivaut à mettre en place la colonne vertébrale pour une ville en santé, tranche Josh Colle, président de la Commission des transports de Toronto (CTT), équivalent du Réseau de transport de la Capitale (RTC) à Québec.
« Comme grande ville, si vous n’avez pas, de nos jours, de système de transport en commun développé et efficace, c’est clair que votre économie finira par s’en trouver affectée », observe M. Colle, où la CTT opère l’un des plus anciens et plus vastes systèmes de tramways en Amérique du Nord.
En diminuant la congestion routière, expose celui qui est également conseiller municipal dans la plus grande ville canadienne, on évite non seulement aux gens de passer trop de temps coincé dans leur voiture, mais on leur permet d’arriver à temps au travail, à l’école, ce qui contribue à maintenir l’économie. « C’est vital pour les résidents, l’économie et la compétitivité d’une ville, dit-il, et ça s’applique à toutes les villes canadiennes. »
Québec était, jusqu’à vendredi dernier, la seule ville canadienne de plus de 500 000 habitants sans projet de système de transport structurant en cours de réalisation.
FÉROCE BATAILLE
La plupart des villes qui s’apprêtent à implanter un système de transport structurant doivent s’attendre à mener une féroce bataille concernant le retrait de voies automobiles, ce dont M. Colle peut témoigner. « It’s a vicious battle », tranche-t-il.
On a appris vendredi que le projet dans son ensemble implique le retrait de 1,7 kilomètre de voies à l’automobile. Celui qui siège également comme conseiller municipal ne s’étonne pas le moins du monde que ce sujet ait déjà fait l’objet de débats à Québec, avant même que le projet n’ait été présenté.
« C’est l’un des principaux défis, et c’est le même débat dans toutes les villes, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes », constate l’élu, qui affirme l’avoir expérimenté chaque fois où on a voulu apporter des améliorations au réseau.
« Dès que l’on retire une seule voie à la circulation automobile, vous devez vous préparer à livrer une grande bataille », renchérit Steve Munro, consultant et ardent défenseur du transport en commun à Toronto, et ce, depuis plusieurs décennies.
Dans cette ville, le réseau possède une particularité, en ce qu’il consiste en un réseau mixte de tramways plus anciens, qui partagent la route avec les voitures, et d’autres plus modernes, qui circulent plutôt sur des voies qui leur sont réservées. « On ne verra plus dans l’avenir de projets où le tramway doit partager la voie avec les voitures. Il faut des voies entièrement dédiées », souligne M. Colle. C’est aussi ce que croit M. Munro. Il en va de la rapidité et de l’efficacité du système.
PROJET PILOTE
Dans cette optique, des gens persistent à voir le tramway, ou tout autre moyen de transport lourd, comme un désastre pour les automobilistes. C’est l’une des raisons pour lesquelles la CTT a lancé, en juillet dernier, un projet pilote d’un an afin d’établir des statistiques sur la circulation de la rue King, l’artère la plus achalandée de Toronto.
Comme le tramway y restait coincé dans les bouchons de circulation, les autorités municipales y ont banni en partie la circulation automobile aux heures de pointe, non sans provoquer d’âpres discussions. Les voitures peuvent y entrer dans une section, mais sont ensuite détournées vers d’autres artères secondaires, ce qui permet au tramway de circuler plus efficacement.
« Nous voulons démontrer que ce n’est pas si mal pour les automobilistes, finalement », explique le président de la CTT. On veut également chiffrer l’amélioration du service de tramway pour les usagers, en termes de temps.
PAS L’UNANIMITÉ
M. Colle insiste toutefois : il ne sera jamais possible de ne faire que des heureux et de convaincre tout le monde. Il cite le cas d’un tracé sur la rue St. Clair, à Toronto, qui a été aménagé il y a huit ans. Des gens qualifient le projet de grand succès et en sont ravis, alors que d’autres continuent de clamer, huit ans plus tard, que le tramway a « tué leur rue ».
L’exception s’applique dans certaines villes américaines où on choisit plutôt d’aménager un tramway dans un secteur peu achalandé dans le but d’y ramener les gens, car les enjeux sont alors très différents.
C’était aussi le pari très contesté que faisait Québec avec l’axe Charest, pour le SRB. On passait par un secteur moins développé dans le but d’en favoriser la revitalisation, plutôt que d’emprunter l’axe allant du boulevard Laurier à la colline Parlementaire. Le concept a été abandonné depuis.
Pour M. Colle, il est plus sensé de prévoir le tracé le long des avenues les plus achalandées, car on veut rejoindre le plus d’utilisateurs possible.