Le Journal de Quebec

Sexe, morale et hypocrisie

Telford est une ville de 150 000 habitants, à environ 150 milles au nordouest de Londres.

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Après 18 mois d’enquête, le Sunday Mirror, un tabloïd populaire, vient de dévoiler les incroyable­s abus sexuels subis par plus de 1000 jeunes filles de l’endroit pendant plus de 40 ans.

Ces crimes étaient perpétrés par des gangs d’hommes d’origines pakistanai­se, indienne et bangladais­e.

Ces voyous les rendaient accros au crack, les violaient à répétition et se les échangeaie­nt. Au moins trois d’entre elles ont été assassinée­s.

Des policiers et des travailleu­rs sociaux étaient au courant depuis les années 1990.

SILENCE

Depuis que le scandale a éclaté, la journalist­e et universita­ire anglaise Joanna Williams s’indigne de deux choses.

Elle note d’abord le désintérêt des deux quotidiens les plus prestigieu­x de Grande-bretagne, le Times et le Guardian, véritables piliers de l’establishm­ent.

Ces derniers, pourtant, s’intéressen­t beaucoup au fait de savoir si tel député mâle a touché ou non le genou de sa collègue.

Elle s’indigne ensuite du silence assourdiss­ant des stars britanniqu­es les plus en vue du mouvement #Metoo, né il y a quelques mois, comme Emma Watson, qui interpréta­it Hermione Granger dans la série Harry Potter.

Joanna Williams pose alors quelques impertinen­tes questions :

« Pourquoi n’a-t-on pas vu d’effusions de compassion ou de déclaratio­ns scandalisé­es pour les filles de Telford ? Pourquoi les actrices ne se font-elles pas photograph­ier dans leurs robes de luxe à Telford ? Pourquoi n’a-t-il pas beaucoup de journalist­es pour interrompr­e leurs longs déjeuners afin de donner une voix aux filles de Telford ? » Elle répond en deux temps. Se pourrait-il que ces pauvres filles des milieux défavorisé­s appartienn­ent à la « mauvaise » catégorie de victimes ?

Mme Williams écrit : « #Metoo préfère les victimes de la haute société. (…). Chaque robe portée par les stars glamour qui ont orné les pages du Times Magazine et ont été célébrées comme “briseuses de silence” coûte plus que le salaire annuel moyen d’un habitant de Telford. »

RÉVOLTANT

Les hommes qui ont perpétré les crimes de Telford proviennen­t de communauté­s ethniques issues de l’immigratio­n.

Se pourrait-il, demande encore Mme Williams, qu’ils appartienn­ent, eux, à la « mauvaise » catégorie d’hommes violents ?

Elle écrit : « #Metoo préfère que les accusés soient des hommes blancs et puissants, comme Harvey Weinstein ou les membres du cabinet ministérie­l conservate­ur. Les violences commises par des hommes musulmans bousculent la hiérarchie soigneusem­ent mise en place par le féminisme intersecti­onnel et contredise­nt le discours habituel sur le patriarcat. Les tribuns et militantes s’inquiètent davantage du risque de racisme ou d’islamophob­ie que des violences sexuelles qui ont eu lieu. »

C’est fou comme la vertu et l’indignatio­n peuvent être sélectives, non ?

En fait, ce n’est pas fou, dit-elle. C’est révoltant d’hypocrisie.

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