Et si c’était vous ?
En plus d’être scandaleuse, la rémunération outrancière des médecins spécialistes siphonne le budget de la santé et des services sociaux. Les plus négligés, il faut le dire, sont les personnes handicapées intellectuelles et tout particulièrement, les adultes.
C’est comme si cette « clientèle » était devenue invisible. À l’instar de milliers de familles, étant proche aidante de ma soeur déficiente, je le sais d’expérience. Pour marquer la 30e Semaine de la déficience intellectuelle, plusieurs de ces familles ont signé une lettre ouverte criant leur désarroi.
Publiée dans Le Soleil, elle résume le drame humain dans lequel cet abandon sourd par le gouvernement les plonge. Leur plaidoyer dit la vérité toute nue. Pendant que les médecins passent à la caisse, ces familles dénoncent le sous-financement et le « délabrement » – le mot est juste –, des services aux personnes déficientes intellectuelles.
DES NUMÉROS
Elles rappellent que les « réformes » Barrette ont aussi accouché d’un monstre bureaucratique déshumanisé : « Les usagers ne sont plus que des numéros de dossier et les familles, des intervenants bénévoles de seconde classe. » Les problèmes abondent : listes d’attente sans fin, pénuries de personnel, réduction ou absence de soutien à domicile, aide financière famélique aux proches aidants, etc.
Leur conclusion est d’une logique implacable : « Nous sommes en colère, mais nous ne sommes pas dupes. Quand nous ferons notre X dans l’isoloir en octobre prochain, ce sera dans la case de ceux qui ont à coeur la place des plus vulnérables de notre société. »
Comme tant d’autres familles à bout de souffle, moi aussi, je suis en colère. Ça fait quatre ans que j’ai demandé au CIUSSS un petit deux jours mensuel de répit et j’attends toujours. Idem pour une ressource d’hébergement adéquate pour ma soeur.
CHARGE MENTALE
Et l’aide financière ? Comme elle habite avec moi, ça s’arrête à l’aide sociale qu’elle perçoit et aux grenailles risibles du programme « Soutien à la famille ». Des vacances ou même quelques soirées tranquilles ? Oubliez ça ! La charge mentale et physique des familles de personnes déficientes est constante.
Dans mon cas, si je n’avais pas les patrons empathiques que j’ai au Journal, je ne pourrais jamais travailler aussi bien tout en voyant aux besoins importants de ma soeur. Sans eux, comme tant d’autres proches aidants, je serais incapable de tout concilier. Il n’en reste pas moins qu’au fil du temps et dans la cinquantaine, l’épuisement, le vrai, gagne dangereusement du terrain.
Samedi, au bout de mon rouleau, j’ai même eu cette pensée. Nous, les familles, devrions nous unir pour aller porter notre enfant, soeur ou frère handicapé au bureau de Philippe Couillard pour qu’il s’en occupe quelques jours. Ça nous donnerait un brin de répit et à lui, peut-être un peu de coeur.
Or, ces familles ne se « plaignent » pas. Elles sont trop occupées à faire l’impossible. Avant de tomber au combat, leur demande pour des services et du soutien concret est néanmoins urgente. C’est une question d’humanisme.