La chance inouïe de changer les choses
J’ai appris que rien n’enrage plus les opposants à Donald Trump que de le normaliser. Rien ne les fait grimper dans les rideaux comme d’affirmer que, selon les règles constitutionnelles du pays, il a incontestablement remporté l’élection présidentielle de 2016. Et rien ne me mérite plus de bêtises que de le décrire, à la Maison-blanche, en train de prendre des décisions comme quarante-quatre autres présidents l’ont fait avant lui.
Je sais très bien qu’il n’y a rien de normal dans un président qui insulte les pays africains et les immigrants haïtiens. Qu’il n’y a rien d’acceptable dans son réflexe de démoniser les médias, sa façon de discréditer les agents du FBI et son penchant à montrer plus de sympathie envers les suprématistes blancs qu’envers les jeunes immigrants clandestins qui n’ont d’autre patrie que les États-unis.
Il faut, malgré tout, reconnaître que Donald Trump aurait pu… en fait, pourrait toujours changer les choses comme peu de présidents sont positivement parvenus à le faire depuis un demi-siècle. Et attendez avant de m’envoyer un char de ce que vous savez quoi !
UN JE-NE-SAIS-QUOI D’ENVOÛTANT
Il y a longtemps, aux États-unis, qu’un leader politique n’a inspiré autant de loyauté, de vénération presque, chez un électorat malheureux, mécontent et mobilisé : la classe moyenne blanche, les travailleurs dans la cinquantaine (la dernière trâlée des baby-boomers), ces gens ordinaires, mal à l’aise devant un monde en hyperévolution où s’entremêlent les ethnies, les orientations sexuelles et les insultes via médias sociaux.
Prenez « Wall Street », par exemple. Personne n’a de sympathie pour les financiers qui n’ont pas cessé de s’enrichir, même après la Grande Récession qu’ils ont provoquée avec leurs prêts hypothécaires à risque. Trump, qui n’a pas besoin de leur argent, pourrait promouvoir une redistribution de richesse difficilement contestable tant elle serait populaire, à droite comme à gauche.
Le lobby des armes maintenant. Aucun politicien conservateur n’a le courage de faire face à la National Rifle Association, de peur de voir monter contre lui ou elle une campagne dénonçant ce qui serait décrit comme une attaque contre le supposé droit inaliénable de s’armer aux États-unis.
Encore une fois, Trump, avec ses gros sabots et ses envolées machistes, a amplement prouvé qu’il n’y a pas meilleur protecteur du deuxième amendement à la Constitution américaine que lui. Il pourrait imposer un certain nombre de restrictions à l’actuelle circulation folle des armes à feu et seule une poignée de paranoïaques s’en choquerait. Venant de lui, bien sûr.
Même à l’étranger, il serait capable d’une audace exceptionnelle. Il réussit tellement bien à faire manger les évangéliques dans sa main qu’il pourrait forcer un durcissement de position à l’égard d’israël, question d’arracher de vraies concessions pour en venir à cette entente de paix israélo-palestinienne si illusoire pour ses prédécesseurs.
GASPILLER UNE AUSSI BELLE OPPORTUNITÉ
Tous les jours, je grimace, moi aussi, en l’entendant se décrire comme suprêmement brillant ou en lisant un tweet dans lequel il se vante, par exemple, d’avoir un « plus gros bouton nucléaire » que la ridicule dictature nord-coréenne de Kim Jong-un.
Du même élan, pourtant, je regrette qu’il dilapide le capital qu’il a auprès de différents électorats qui, dans d’autres circonstances ou avec quelqu’un d’autre dans le Bureau ovale, se braqueraient, « buckeraient » comme on dit si bien chez nous.
Si Donald Trump ne fait rien de bon de sa présidence, je peux tout de suite parier que le prochain ou la prochaine à prendre sa place fera pire encore. Vive la démocratie !
Il y a longtemps, aux États-unis, qu’un leader politique n’a inspiré autant de loyauté, de vénération