La lettre du tueur est « atypique »
« Quelque chose de plus gros » que des idées suicidaires ont mené Bissonnette à passer à l’acte, selon un psychologue
Même si Alexandre Bissonnette a affirmé hier n’être « ni un terroriste ni un islamophobe », il est « fort possible » que ce soit « une idéologie destructrice et très radicale » qui l’ait mené à commettre un tel massacre à la mosquée de Québec, estime le psychologue Hubert Van Gijseghem.
Pour l’expert, il est clair que la « forme horrible de désespoir », « les idées suicidaires », « l’obsession avec la mort » et « le démon » qui aurait eu le dessus sur lui et dont Bissonnette a fait état hier, dans une lettre lue devant le tribunal, ne peuvent expliquer un tel passage à l’acte.
« Ça ne tient pas debout, ça. C’est évident qu’il y a quelque chose de beaucoup plus gros dans son cas : soit sur le plan délirant [une pathologie de nature psychotique] ou sur le plan de son idéation idéologique, c’est-à-dire anti-islam ou islamophobe », estime M. Van Gijseghem, qui mentionne que les auteurs de tuerie comme celle de la mosquée répondent normalement à l’un ou l’autre de ces scénarios.
« C’est fort possible que ce soit présent [la radicalisation], parce qu’il y a d’autres éléments également déjà dans son passé et ce qu’il avait déjà laissé entendre, qu’il n’aimait pas les immigrants, qu’il flirtait un peu avec certaines idées de Trump », rappelle le psychologue, qui doute fort, par ailleurs, que l’antidépresseur (APO-PAroxétine) que Bissonnette prenait depuis peu lors du drame ait pu avoir un impact.
« FORT DOUTEUX »
Certains experts évoquaient hier que cet anxiolytique peut, dans les premières semaines, rendre plus suicidaire ou plus impulsif. « Ce serait fort douteux que ce médicament soit en quelque sorte responsable de ce passage à l’acte, soumet M. Van Gijseghem. Il ne faut pas oublier que cette tuerie avait été préparée comme il faut. Ce n’est certainement pas un geste impulsif », analyse-t-il.
Reste que, pour le psychologue, la lettre du meurtrier, qui donne l’impression « de quelqu’un qui se sent coupable et très mal », est très « atypique » et représente tout « un paradoxe ».
« C’est comme si ce n’était pas le même homme. Il y a une discordance, une incongruité quelque part qui, pour le psy que je suis, est difficilement compréhensible », souligne-t-il.
« Parce que je sais que l’homme qui a agi il y a un an, soit il est aux prises avec une grave pathologie, soit est un idéologue très radicalisé. Et normalement, l’un ou l’autre, ça ne change pas en un an ou deux », expose M. Van Gijseghem, qui se questionne à savoir si Bissonnette a écrit sa lettre seul.
NARCISSIQUE ?
Pour sa part, l’ancien enquêteur à la Sûreté du Québec Paul Laurier, qui s’est intéressé lors d’un projet de thèse aux tueurs de masse, a été frappé par l’utilisation du « je » dans la déclaration du tireur, une caractéristique que M. Laurier a souvent relevée en analysant le profil d’autres tueurs de masse.
« Je ne suis pas médecin, mais la caractéristique m’a frappé. Cet individu-là a un taux de narcissisme élevé, dit-il. Oui, il s’excuse auprès des victimes, mais c’est un paragraphe. Tout le reste, c’est lui, lui, lui », a-t-il soulevé.