Les portes tournantes de la Maison-blanche
Il y a ceux qui se font montrer la porte, ceux que le président voudrait bien garder, mais qui n’ont pas le choix de partir, ceux qui, épuisés, n’en peuvent plus, et ceux qui, pompés, menacent de sacrer leur camp une fois pour toutes. La conséquence, c’est qu’on entre et qu’on sort de cette Maison-blanche plus vite et plus souvent qu’à tout autre moment depuis des décennies.
Le va-et-vient a été constant en 2017, mais on pouvait toujours dire que le président rodait son administration, qu’il faisait un tri entre les bons et les pourris : 34 % des postes autour de lui ont changé d’occupant pendant la première année.
Ç’aurait dû se calmer un peu, mais non : depuis le début de 2018, on en est à vingt départs dans son entourage ou son gouvernement. J’aurais donc pu aborder le sujet plusieurs fois depuis le 1er janvier, mais le dernier congédiement m’est apparu particulièrement inspirant. Hier, Tom Bossert, le conseiller à la Sécurité intérieure du président, a levé les pattes.
Son nom ne vous dit probablement rien, mais sachez qu’il cumulait des responsabilités imposantes : protéger le pays contre les menaces terroristes, raffermir les capacités de cyberdéfense américaines, s’assurer que les cinquante États pouvaient faire face à toutes les catastrophes naturelles imaginables.
UN HOMME OCCUPÉ
Il n’a pas chômé en 2017 avec l’enchaînement des ouragans Harvey, Irma et Maria, pour ne décrire que les plus dévastateurs. J’ai vu Tom Bossert à l’oeuvre, autant dans le Bureau ovale auprès du président que dans la salle de presse de la Maison-blanche, toujours impeccable, prêt à répondre à toutes nos questions, fiable et crédible.
Il devait se voir ainsi lui-même et c’est probablement pourquoi, dimanche soir, à la conférence Cipher Brief, une conférence annuelle de sécurité en Géorgie, il a répondu tout innocemment à une question de l’orga- nisatrice sur son expérience de travail à la Maison-blanche.
« Vous ne le croirez pas, mais cette Maison-blanche fonctionne comme toutes les autres. La seule chose qui crée de l’instabilité, c’est ce qu’en disent les médias et le changement de personnel. Et je pense que nous avons atteint sur ce plan un point de stabilité, et je suis à l’aise avec la vision du président dans tout cela. »
Une trentaine d’heures plus tard, il était, à son tour, remercié.
L’ARRIVÉE DE L’UN, LE DÉPART DES AUTRES
Le renvoi de Bossert est directement associé à l’arrivée de John Bolton au poste de conseiller à la Sécurité nationale.
Bolton, un homme sec et intransigeant, emmènera logiquement son équipe avec lui. C’est, nous dit-on, pour rétablir un peu de stabilité dans la politique étrangère du président (lui qui s’est aussi récemment débarrassé de son secrétaire d’état, Rex Tillerson).
Sauf que ce besoin d’ordre et discipline, c’est la raison qui avait été mise de l’avant pour confier le même poste de conseiller à la Sécurité intérieure à H.R. Mcmaster, un général trois étoiles, respecté de tous. Ç’aura duré 410 jours.
Même chose pour John Kelly, le fameux « adulte dans la pièce », que Trump a nommé chef de cabinet à la fin juillet, l’année dernière. Le président en a apparemment assez d’être materné, et pas une semaine ne passe sans de nouvelles rumeurs de départ de cet autre général, un quatre étoiles cette fois.
Tous servent, comme on dit ici, « au bon plaisir du président », mais comme il aime le chaos et les combats de coqs autour de lui, chacun risque chaque jour d’être emporté par la tourmente. Encore surprenant que ce pays continue d’aller… vaguement droit!