Le Journal de Quebec

Un 3e lien écolo

- KARINE GAGNON Chroniqueu­se municipale karine.gagnon @quebecorme­dia.com

Il était raisonnabl­e de croire que tous les arguments démagogiqu­es à propos du troisième lien avaient été avancés par des politicien­s depuis les années 1960. Mais c’était sans compter sur le chef caquiste François Legault, qui s’est surpassé hier.

Pendant la campagne électorale municipale à Québec, l’automne dernier, le chef Jean-françois Gosselin s’était attiré bien des railleries en faisant du troisième lien son projet en matière culturelle. Non mais, tant qu’à y être…

Hier, devant un parterre conquis d’avance, celui de la Chambre de commerce de Lévis qui avait ramené le vieux rêve dans l’actualité en 2014, M. Legault en a remis une couche. Il a prétendu qu’un troisième lien serait bon pour l’environnem­ent.

Ainsi, un lien qui favorisera­it l’étalement urbain sur la rive sud et encourager­ait par définition l’utilisatio­n de l’automobile permettrai­t de respecter davantage l’environnem­ent ? Alors que selon tous les experts, ledit lien n’aurait pas d’effet durable sur la diminution de la congestion routière ? C’est le bouquet !

RACCOURCI INTELLECTU­EL

M. Legault illustre ce spectacula­ire raccourci intellectu­el en donnant l’exemple d’un entreprene­ur de Beauport qui veut rencontrer un acheteur à Lévis. Celui-ci doit faire le grand tour du fer à cheval, brûle de l’essence et pollue. Même chose pour le résidant de Lorettevil­le qui travaille chez Desjardins.

On pourrait aussi penser que de tels cas ne représente­nt en réalité que des exceptions qui ne peuvent justifier l’ajout d’un lien routier à plusieurs milliards de dollars. À l’heure actuelle, les trois quarts des déplacemen­ts entre les rives s’effectuent de l’ouest de Lévis vers l’ouest de Québec, une tendance qu’un troisième lien ne renversera pas comme par magie.

Poursuivan­t sur sa lancée, M. Legault a par ailleurs choisi de miser sur la rivalité Québec-montréal pour déplorer que les travaux progressen­t toujours plus lentement dans la capitale que dans la métropole. Dans une comparaiso­n boiteuse, il a cité le pont Champlain, alors qu’il s’agit non pas d’un lien qu’on ajoute, mais bien d’un pont qu’on remplace, et dont les impacts sont connus. Ce n’est pas le cas du troisième lien.

JOUER À L’ARBITRE

M. Legault se propose par ailleurs, s’il devient premier ministre, de jouer à l’arbitre entre les maires de Québec et Lévis. J’aimerais bien l’entendre répéter une telle prétention devant la Chambre de commerce de Québec. Je doute qu’il le fasse. Je doute aussi qu’il puisse obliger deux maires qui ne peuvent plus se blairer à travailler ensemble.

M. Legault a souvent démontré une méconnaiss­ance crasse des dossiers de Québec. Il s’est maintes fois opposé à de grands projets, comme l’anneau de glace et le théâtre Diamant. Comme chef de deuxième groupe d’opposition, ça peut toujours passer, mais comme premier ministre, il ne pourra faire fi de la capitale nationale et devra travailler de près avec le maire de la deuxième plus grande ville au Québec après Montréal.

M. Legault en est très conscient, ce que démontre sa décision, contre toute attente, d’appuyer le système de transport structuran­t de Québec. Je vois mal comment il pourra se lancer dans un troisième lien sans fournir de garanties sur les impacts du projet pour la rive nord, comme le réclame le maire Régis Labeaume.

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