STÉPHAN LA ROCHE AMOUREUX DES ARTS ET DE LA CULTURE
De nature plutôt discrète, Stéphan La Roche, directeur général du Musée de la civilisation, n’en a pas moins contribué à plusieurs grands projets de Québec, au fil d’un parcours des plus inspirants.
Lors de notre rencontre, M. La Roche émergeait littéralement, bien malgré lui, de la controverse ayant entouré la vente avortée au Musée des beaux-arts du Canada du tableau Saint Jérôme entendant les trompettes du Jugement dernier.
Le sort de ce trésor du patrimoine québécois, propriété de la paroisse Notre-Dame-de-québec, n’est pas encore réglé, mais M. La Roche est confiant qu’une solution sera trouvée. Il y travaille toujours d’ailleurs, conjointement avec la directrice du Musée des beaux-arts de Montréal, Nathalie Bondil.
Une collaboration aussi exceptionnelle et dans une telle unité d’esprit est rare entre deux musées. « C’est vraiment très riche, et c’est un bel enseignement aussi », a-t-il salué.
M. La Roche s’est également dit soulagé de savoir que l’oeuvre demeurera au Québec, grâce à l’intervention rapide de la ministre de la Culture. Cette décision a calmé la tempête. Celle du Musée d’ottawa de renoncer à la vente du Chagall, qui devait servir à acquérir l’oeuvre de David, a mis un terme à une bonne partie de cette incompréhensible saga.
« On ne peut bazarder les oeuvres d’art et le patrimoine comme si c’était une vieille chaise dont on n’a plus besoin », souligne M. La Roche, ajoutant qu’il souhaite que les musées tirent de cet épisode un certain nombre de leçons. Au Musée de la civilisation, la politique d’aliénation ne permet pas la vente de tableaux ou de biens pour des ventes administratives.
« Non seulement on a sauvé des oeuvres, mais on a amené dans le débat public une prise de conscience sur le fait que les oeuvres d’art et le patrimoine, qui font partie des collections des musées, ce sont des trésors, et c’est important de les conserver. »
PASSIONNÉ DES ARTS
Cette importance, M. La Roche en a pris conscience très tôt dans son existence, lorsqu’il a fréquenté le Petit Séminaire de Québec, devenu le Collège François-de-laval. Ce furent pour lui des années mémorables, avec une présence marquée des arts.
« Ça m’a beaucoup éveillé à l’importance de l’art et de la culture, au respect envers les artistes, car j’ai appris que ce qu’ils font, ce n’est pas facile. » Il a vite su qu’il avait envie de travailler dans un domaine qui y était relié.
Originaire de Charny, il a grandi dans une famille de quatre enfants. En raison d’une grande différence d’âge, les aînés ont quitté le nid alors qu’il était encore très jeune. « Mes soeurs m’ont beaucoup trimballé, et ç’a donné un résultat pas pire », lance-t-il en riant.
Dans un tel contexte, le petit dernier a acquis très tôt une certaine maturité. Il a aussi eu la chance de voyager avec ses parents, qui l’ont emmené en France alors qu’il n’avait que 10 ans. « Mes parents n’étaient pas des aventuriers, ils n’auraient pas gravi l’himalaya, mais ils avaient le goût de la découverte, ditil. Aller au Brésil, en Afrique, en Chine, dans les années 1970, ce n’était pas courant. Ça m’a donné la piqûre. »
EXEMPLE DE RÉMI GIRARD
Son père, qui est décédé il y a 15 ans et qui a fait carrière à la direction du Canadien National, fut l’un de ses grands modèles. Il avait trouvé un moyen de le convaincre d’étudier en droit, alors qu’il rêvait de devenir comédien. « Il m’a dit : tu sais, Rémi Girard, le comédien – il avait déjà une carrière exceptionnelle à l’époque – il avait fait son droit avant. Va chercher un diplôme sérieux, et si tu as encore le goût de faire le conservatoire, tu iras. »
M. La Roche précise qu’il faut se remettre dans le contexte de l’époque, et qu’il n’y avait pas « de mauvais esprit » dans cette déclaration. « Mais j’ai fait plaisir à mon père, et je ne l’ai jamais regretté. »
En fait, il a adoré le droit, qu’il a pratiqué pendant deux ans au Conseil du trésor. Il s’est rapidement imposé comme un habile plaideur, aspect qui se rapprochait du théâtre. « Une plaidoirie, au fond, c’est une mise en scène basée sur des faits réels. » Il a évidemment abandonné l’idée du conservatoire. « Je me suis rendu compte que je n’avais pas le talent suffisant et que mes forces étaient peut-être ailleurs. »
La crise économique survenue au début des années 1990 l’a précipité au chômage. Par hasard, il a croisé sur la Grande-allée le député André Boulerice, qu’il connaissait, et qui l’a embauché. Les arts et la culture, dossiers dont répondait l’élu dans l’opposition, se sont ainsi à nouveau invités dans sa vie.
M. La Roche a ensuite enchaîné les postes au ministère de la Culture, au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), à la SODEQ, puis à la Délégation générale du Québec à Paris.
AU BÉNÉFICE DE L’ÉTERNITÉ
Recruté en 2015 comme directeur général du Musée de la civilisation de Québec, il s’est fait remarquer pour le succès de l’exposition Hergé à Québec, son idée au départ, qui a attiré en 2017 un nombre record de plus de 420 000 visiteurs en cinq mois.
« J’ai été très choyé dans ma carrière, des occasions exceptionnelles m’ont été offertes et je n’ai pas à me plaindre », dit celui qui ne manque pas une occasion de souligner la qualité de son équipe, des gens qui l’entourent et de ceux qui l’ont influencé et dirigé.
« Quand on travaille dans un musée, on a une chance unique, un privilège exceptionnel qui est celui de travailler pour l’éternité, dit-il. On accueille le public, bien sûr, mais on conserve une collection, et on le fait au bénéfice des citoyens et des générations futures. Il n’y a pas tant de gens qui ont ce rôle sur la planète. »