Le Journal de Quebec

GILBERT DIONNE LE « KING » DEVENU CONTREMAÎT­RE

- Pierre Durocher ∫ l Pdurocherj­dm c pierre. durocher @quebecorme­dia.com

Gilbert Dionne a vécu l’extase à ses débuts avec le Canadien. Il marquait des buts régulièrem­ent et il a contribué à la conquête de la coupe Stanley au printemps 1993.

Ce boute-en-train, que ses coéquipier­s avaient surnommé le « King », n’aurait jamais cru qu’après avoir fait partie d’une transactio­n majeure avec les Flyers, en février 1995, sa carrière allait prendre une tournure fâcheuse.

« J’ai eu la chance de remporter la coupe Stanley à ma deuxième saison avec le Canadien, à l’âge de 22 ans. C’était génial. Malheureus­ement, deux ans plus tard, la direction a décidé que je ne faisais plus l’affaire à Montréal », rappelle Dionne dans une entrevue accordée au Journal.

Après avoir connu des saisons de 21 buts en 39 matchs en 1991-92, de 20 buts en 1992-93 et 19 buts en 1993-94, Dionne n’en a réussi aucun en 22 rencontres avec les Flyers et un seul en cinq matchs avec les Panthers. Ce fut le début de la fin pour lui.

Il a poursuivi sa carrière, de façon incognito, dans la Ligue américaine, dans la Ligue internatio­nale, où il a été productif avec les Cyclones de Cincinnati, ainsi qu’en Europe. Dionne n’a disputé que 223 matchs dans la LNH, au cours desquels il a amassé 140 points, dont 61 buts, en plus de 10 buts et 12 passes en 39 matchs éliminatoi­res.

« Je n’ai pas eu la chance de gagner de très gros salaires, et lorsque j’ai pris ma retraite du hockey, à 34 ans, j’ai dû me dénicher un boulot pour faire vivre ma famille, explique le père de cinq enfants, qui réside à Tavistok, en Ontario. N’ayant pas terminé mes études au niveau secondaire, je n’avais pas beaucoup d’options.

« En jouant au hockey dans une ligue de garage, un coéquipier m’a parlé d’un emploi à la meunerie chez Parrish & Heimbecker, une grosse compagnie canadienne d’exportatio­n de grains et de céréales. Sur le coup, je n’étais pas certain d’avoir le goût de travailler dans ce milieu, mais, 15 ans plus tard, j’y suis toujours et me voilà rendu contremaît­re au port de Hamilton, avec des employés et des opérations à diriger. C’est un bon emploi stable, qui me permet de passer mes soirées en famille. C’est précieux. »

Un hockeyeur père de cinq enfants, on voit cela rarement de nos jours. Ça se passe comment à la maison ?

« Il va sans dire que ma femme et moi, on adore les enfants ! J’ai rencontré Heather quand je jouais dans les rangs juniors à Kitchener et ça fait 25 ans que nous sommes mariés. Notre plus vieux garçon, Blake, aujourd’hui policier à Kitchener-waterloo, était âgé de neuf mois lorsque j’ai participé à la conquête de la coupe Stanley, en 1993. On a encore trois enfants à la maison. Oui, il a fallu faire des sacrifices pour élever cinq enfants, mais la famille, c’est une richesse. »

Peux-tu nous parler de tes débuts avec le Canadien ?

« Paulin Bordeleau m’a beaucoup aidé dans mon développem­ent avec les Canadiens de Fredericto­n, où j’ai marqué 40 buts à ma première saison. Je me souviens très bien de mon premier match avec le Canadien en 1990. C’était durant le temps des Fêtes, à Québec. Je trouvais Pat Burns intimidant et j’étais tellement nerveux. J’avais eu droit à un essai de deux matchs. Puis, la saison suivante, j’ai été rappelé de Fredericto­n lorsque Mike Mcphee s’est blessé, et il me taquine encore quand on se croise aujourd’hui en me rappelant que je lui ai volé son poste à Montréal avec une production de 21 buts en 39 matchs. Ça m’avait valu une sélection au sein de l’équipe d’étoiles des recrues. J’ai eu la chance de former un bon trio avec Denis Savard et Mike Keane. J’ai ajouté trois buts et quatre passes en 11 matchs éliminatoi­res, et tout allait bien. »

Que conserves-tu comme souvenirs de la saison 1992-93 ?

« Il était difficile de faire sa place dans cette équipe qui misait sur beaucoup de profondeur à l’attaque. Serge Savard tenait à ce que je reste à Montréal et j’ai connu une saison de 20 buts et de 48 points, malgré un temps de jeu réduit. Jacques Demers avait su nous convaincre qu’on avait l’équipe pour gagner la coupe et on l’a fait. Je n’oublierai jamais que, durant les séries, il avait réuni huit vétérans pour leur demander de diminuer leur temps de jeu d’une minute chacun afin de permettre à notre trio, le quatrième, de jouer une dizaine de minutes par rencontre. Paul DiPietro et moi en avions profité pour marquer respective­ment huit et six buts aux côtés du vétéran Gary Leeman. »

Des six buts que tu as inscrits durant les séries de 1993, lequel a été le plus mémorable ?

« C’est plate à dire, mais ce fut le plus controvers­é, soit celui réussi en prolongati­on lors du troisième match de la série contre Buffalo. J’avais indiqué aux officiels, par mes gestes, que j’avais touché à la rondelle tirée par Patrice Brisebois, et cela avait suscité une controvers­e. J’étais démonstrat­if et expressif, comme l’est P.K. Subban aujourd’hui, et ça n’avait pas plu à tout le monde. Ça m’a même nui. Toutefois, le soir de notre conquête de la coupe, au Forum, tout avait été oublié. J’ai vécu la plus forte sensation de ma vie en soulevant la coupe et en me faisant prendre en photos en compagnie de mon frère Marcel, à qui j’avais remis mes deux billets pour le match. Il n’a jamais eu le bonheur de gagner la coupe avec les Kings ou avec les Rangers, mais il n’était pas jaloux de moi. Bien au contraire, il était fier pour la famille Dionne. On avait pris des photos ensemble dans le vestiaire avec la coupe. »

Tu avais la réputation de faire rigoler tes coéquipier­s dans le vestiaire. Qui donc t’avait surnommé le King ?

« J’aimais détendre l’atmosphère en faisant des imitations d’elvis. Je mettais une serviette blanche autour du cou et je dansais et chantais comme Elvis. Mike Keane et Shayne Corson m’ont surnommé le King, et ça m’a collé à la peau. Nous étions 13 ou 14 francophon­es dans l’équipe et on avait beaucoup de plaisir. Qu’y avait-il de mal à faire quelques pitreries ? Je m’amusais même à imiter Serge (Savard) et Jacques (Demers). Lorsqu’il y a des moments de tension dans le vestiaire, il est bon de rigoler un peu. Guy Lafleur était le premier à nous dire qu’il fallait s’amuser en jouant au hockey. »

Malgré ta bonne production offensive, ta carrière avec le Canadien a été bien courte. Éprouves-tu des regrets aujourd’hui ?

« J’étais jeune et immature. J’avais tendance à y aller de grosses déclaratio­ns dans les journaux et mon franc-parler ne m’a pas aidé. Je n’ai jamais blâmé les médias. Je disais les choses comme je le ressentais, comme la fois où j’ai exprimé ma frustratio­n après avoir été écarté de la formation pour le match inaugural au Forum, à la fin janvier 1995 (soit après le lock-out), et que j’ai déclaré aux journalist­es qu’il valait mieux que je laisse de côté le jeu scientifiq­ue et que je fasse comme les autres en pourchassa­nt la rondelle comme une poule sans tête. Ce fut une erreur de déclarer cela et mes coéquipier­s n’avaient pas apprécié. Un d’entre eux avait même accroché une poule sans tête devant mon casier au lendemain de cette déclaratio­n. J’avais trouvé ça chien. Quelques semaines plus tard, j’étais échangé aux Flyers en compagnie d’éric Desjardins et de John Leclair. J’aurais aimé que le Canadien se montre plus patient avec moi, qu’on m’accorde une seconde chance. »

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PHOTOS D’ARCHIVES ET COURTOISIE, NICK THOMPSON Gilbert Dionne, avec ses six buts réussis durant les séries, a eu son mot à dire dans la conquête de la coupe Stanley par le Canadien il y a 25 ans, et il porte fièrement la bague remise aux joueurs. Dionne a connu du succès à l’attaque à son arrivée...

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