LE GÉNIE QUÉBÉCOIS QUI FAIT RÊVER HYDRO LUNDI
Il veut enrichir la province avec une usine à batteries
Hydro-québec veut se lancer dans la production de batteries fabriquées au Québec et rêve d’une chaîne de production alimentée à 100 % par les mines québécoises.
« Dans les prochains cinq ans, je pense qu’on peut avoir une usine de construction de batteries, avec toute la chaîne de production au Québec », lance Karim Zaghib, directeur général du Centre d’excellence en électrification des transports et stockage d’énergie, en entrevue avec notre Bureau parlementaire. Ces piles pourraient se retrouver dans des automobiles, des téléphones ou des ordinateurs par exemple.
M. Zaghib oeuvre depuis deux décennies au sein d’hydro-québec.
Les succès de son laboratoire se mesurent en espèce sonnante et trébuchante : le centre a récolté 110 M$ depuis 2011 en redevance sur les brevets. Et selon M. Zaghib, l’aventure sera de plus en plus payante.
À partir de 2022, M. Zaghib prévoit qu’il rapportera près de 100 M$ par année grâce à la batterie solide, une nouvelle technologie prometteuse.
Chercheur renommé, ce génie des batteries a été nommé trois fois parmi les scientifiques les plus influents du monde, selon un palmarès indépendant. Il envisage maintenant un partenariat entre Hydro-québec et une entreprise privée pour produire des batteries.
LE RÊVE DE M. ZAGHIB
« C’est mon rêve, depuis 23 ans. Au Québec, on a du lithium, du nickel, du cobalt, du cuivre. Au lieu de vendre les minerais ailleurs, on peut faire la transformation de la mine à la batterie ici », confie-t-il au Journal. La première étape pour Hydro-québec serait de se lancer dans la production de composantes. Mais une chose est claire, pour le chercheur, la société d’état ne doit plus se contenter de vendre ses bre- vets : « On veut commercialiser. »
Ce rêve a déjà paru bien lointain. Il y a 20 ans, la haute direction de la société d’état a tenté d’éliminer le projet de batterie.
« En 1999, ils ont dit, vous êtes rêveur, on arrête tout. Bien, moi, je n’ai pas arrêté », dit-il en riant. À l’époque, il n’avait que deux collaborateurs, Abdelbast Guerfi et Patrick Charest. Il est aujourd’hui à la tête d’un centre de recherche de 75 personnes qui réalise des contrats pour l’armée américaine ( voir autre texte), le département américain de l’énergie ou pour l’union européenne.
« Au centre d’excellence, on a depuis longtemps la culture d’aller chercher du financement à l’externe et de vendre des licences à l’externe », explique-t-il.
LES PORTES DU TOKAMAK
Le laboratoire de Karim Zaghib se cache dans les entrailles du Tokamak de Varenne, un miniréacteur qui servait à étudier la production d’énergie par fusion nucléaire.
L’aventure scientifique du Tokamak a été abandonnée à la fin des années 1990. Aujourd’hui, lorsqu’on passe les portes massives d’acier inoxydable de 10 mètres de hauteur sur 5 mètres de large et de près de 50 centimètres d’épaisseur qui séparaient les chercheurs d’un plasma de 10 millions de degrés Celsius, on tombe sur une unité de production de prototypes de piles.
« J’y vois un symbole de la volonté d’hydro-québec de toujours continuer à faire de la recherche. J’ai gardé les portes, les lumières d’alertes et plusieurs équipements qui étaient restés ici. Peut-être qu’un jour on pourra en faire un musée », lance-t-il.
L’imposant bâtiment est toujours utile à l’équipe de Karim Zaghib. Au sous-sol, qu’on surnomme le « bunker », une salle en béton armé permet de faire des tests de sécurité sur les piles : feu, choc et même chute d’une dizaine de mètres.
« MON RÊVE, C’EST D’AVOIR UNE USINE DE BATTERIES AU QUÉBEC, ET ÇA VA FAIRE AUGMENTER DE BEAUCOUP LES REVENUS D’HYDRO-QUÉBEC. » – Karim Zaghib