Le Journal de Quebec

Le beau risque, prise 2

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Andrew Scheer et le Parti conservate­ur disent tendre la main aux Québécois.

Ils visent d’abord les déçus de Justin Trudeau, qui confond la réalité avec l’univers de Passe-partout.

Ils visent ensuite les souveraini­stes qui en viennent progressiv­ement à la conclusion que la souveraine­té n’arrivera jamais.

UN « REMAKE »

Le problème est que nous avons déjà joué dans le film que proposent MM. Scheer et Gauthier.

Michel Gauthier, jadis un important leader souveraini­ste, est une première prise intéressan­te à cet égard. M. Gauthier ne dit pas qu’il a eu tort d’être souveraini­ste. Il dit que la souveraine­té n’arrivera pas. C’est malheureus­ement très possible.

Plutôt que de se cogner la tête contre les murs, il se demande comment défendre au mieux les intérêts du Québec.

Dit-il tout haut ce que pensent tout bas beaucoup de souveraini­stes découragés ?

Il y a certaineme­nt des indication­s de cela.

Voyez les déboires du PQ et l’agonie du Bloc. Voyez la percée de la CAQ. Il est révélateur que la CAQ soit particuliè­rement forte chez les électeurs francophon­es de plus de 55 ans, c’est-àdire les baby-boomers qui ont connu l’âge d’or du mouvement souveraini­ste… et ses deux défaites référendai­res.

Le problème est que nous avons déjà joué dans le film que proposent MM. Scheer et Gauthier.

Au milieu des années 1980, René Lévesque comprend qu’il n’y aura pas d’autre référendum à court terme.

Il propose alors « le beau risque » : une alliance avec les conservate­urs de Brian Mulroney, beaucoup plus ouvert à nos aspiration­s nationales que Trudeau père et Jean Chrétien.

Ce sera la grande époque des Lucien Bouchard, Benoît Bouchard et autres ministres fédéraux cherchant à ramener le Québec dans le giron canadien avec « honneur et enthousias­me », comme on disait.

Résultat : l’échec de l’accord du lac Meech déboucha sur une crise constituti­onnelle qui mit la table pour le référendum de 1995.

AUTRE CONTEXTE

La main tendue par M. Scheer et saisie par M. Gauthier survient toutefois dans un contexte radicaleme­nt différent à deux titres.

D’abord, tétanisés par l’échec de Meech et par la grande frousse référendai­re de 1995, ni le Canada anglais ni les conservate­urs n’iront bien loin dans leurs ouvertures à l’endroit du Québec.

M. Scheer fera des ouvertures discrètes et symbolique­s à la Stephen Harper, loin de celles de M. Mulroney. Ensuite, le Canada de 2018 n’est pas le Canada de 1990. Plus le nombre de Canadiens nés à l’étranger augmente, plus il devient difficile de vendre l’idée d’un statut spécial aux Québécois parce qu’ils étaient là avant un sikh de Toronto.

La souveraine­té s’éloigne en même temps que s’accélère notre ravalement au rang de minorité ethnique parmi d’autres.

Karl Marx disait que l’histoire aime se répéter : la première fois sous forme de tragédie, la deuxième, sous forme de farce.

Les deux peuvent se combiner.

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