Le Journal de Quebec

Même le fédéral refuse de suivre ses règles sur le français

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | Le gouverneme­nt fédéral échoue à faire appliquer ses propres règlements en matière de langues officielle­s, qui obligent ses locataires à faire la promotion du français dans la ville d’ottawa.

Le Journal a constaté que de nombreux commerces du quartier touristiqu­e de la ville — le marché By — n’offrent encore ni service ni menu en français. Et cela, même s’ils ont l’obligation légale de le faire.

En effet, le fédéral est propriétai­re de dizaines de logements commerciau­x dans ce secteur. Tous ses locataires sont tenus, en vertu de leur bail, de respecter des standards de bilinguism­e.

Mais depuis des années, la Commission de la capitale nationale (CCN), l’agence fédérale responsabl­e de gérer les propriétés du gouverneme­nt à Ottawa, n’arrive pas à faire respecter à la lettre ces obligation­s linguistiq­ues.

La nonchalanc­e de la CCN dans ce dossier lui a valu un blâme sévère du chien de garde des langues officielle­s du fédéral, au printemps 2017. L’enquête du Commissari­at aux langues officielle­s a démontré que la CCN n’a pas pris « les mesures appropriée­s » pour « faire en sorte que les clauses linguistiq­ues soient respectées ».

MÉCANISME « VIGOUREUX »

Dans un échange de courriels, la CCN assure, par la voix d’un porte-parole, avoir « instauré un mécanisme de vérificati­on plus vigoureux ». L’agence fédérale « continue de faire des inspection­s régulièrem­ent, chaque trois mois, avec tous ses locataires commerciau­x assujettis aux exigences en matière de langues officielle­s », écrit Cédric Pelletier.

Or, Le Journal s’est rendu récemment dans une dizaine d’établissem­ents gérés par la CCN. La vaste majorité d’entre eux n’offraient soit pas de service ou de menus en français, soit ni l’un ni l’autre. Sans parler de l’affichage commercial, qui doit, selon les clauses du bail, être bilingue.

Un employé qui souhaite conserver l’anonymat soutient que la CCN n’a jamais fait de suivi avec son établissem­ent au cours des 12 dernières années concernant le bilinguism­e.

« On ne nous a jamais dit que nous avions quoi que ce soit d’écrit dans notre bail, soutient le gérant d’un restaurant. Et nous n’avons jamais vu personne de la CCN ici, sauf peut-être de façon anonyme. »

TRANSPAREN­CE

Il est difficile de savoir si la CCN a réellement corrigé la situation qui perdure depuis des années. La loi ne permet pas au Commissari­at aux langues officielle­s de rendre publics ses enquêtes ni les suivis d’enquête.

« Le Commissari­at est en train de faire le suivi à l’enquête et aux recommanda­tions faites en avril 2017 », répond une porte-parole, Sylvie Lépine.

La principale associatio­n de défense des droits des francophon­es d’ottawa demande « plus de transparen­ce » en la matière. Surtout lorsque les enquêtes visent des agences fédérales comme la CCN.

« C’est la moindre des choses que les recommanda­tions et les suivis soient accessible­s au public et surtout aux journalist­es », soutient la présidente de l’associatio­n des communauté­s francophon­es d’ottawa (ACFO Ottawa), Soukaina Boutiyeb.

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