Le Journal de Quebec

« Libre de son destin »

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Hier, on célébrait le 28e anniversai­re du fameux discours que Robert Bourassa a prononcé la veille de la mort de l’accord du lac Meech. Vous vous rappelez ? « Le Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développem­ent. »

LE PARADOXE QUÉBÉCOIS

Je me souviens de ce discours comme si c’était hier.

Tout le monde s’est dit la même chose en l’écoutant : « Hein ? Robert Bourassa est en train de préparer l’indépendan­ce du Québec ? »

J’ai toujours dit que c’était le rêve des Québécois : que les libéraux fassent l’indépendan­ce.

Comme si l’indépendan­ce était un dossier trop important pour le laisser entre les mains des péquistes.

« Oui, les péquistes, on sait bien, c’est une bande d’exaltés, d’idéalistes, de romantique­s… Alors que l’indépendan­ce gérée par les libéraux, ça serait autre chose. Ça serait sérieux ! Ce projet serait mené de main de maître, dans l’intérêt de tous les Québécois ! »

C’est niaiseux, je sais, mais je suis convaincu que plusieurs Québécois pensent comme ça.

C’est comme lorsque François Mitterrand a adopté des mesures de droite en 1983.

Un gouverneme­nt de droite qui demande aux citoyens de se serrer la ceinture, c’est méchant.

Mais un gouverneme­nt de gauche qui coupe dans les dépenses, c’est responsabl­e. Si un gouverneme­nt socialiste prend un tel virage, c’est qu’il n’a pas le choix.

Idem pour des gouverneme­nts de droite qui adoptent des mesures de gauche.

Les analystes politiques le disent souvent : rien de mieux qu’un gouverneme­nt de droite pour faire accepter une politique économique de gauche, ou qu’un gouverneme­nt de gauche pour faire accepter une politique économique de droite.

Ça passe mieux auprès de la population.

On se disait : « Bourassa va faire l’indépendan­ce ? »

Parizeau qui parle de la séparation du Québec ? Bof, rien de nouveau sous le soleil…

Bourassa qui envisage la séparation du Québec ? Wow, quelle idée !

On est fous de même…

« JE VOUS AI COMPRIS ! »

En fait, Bourassa ne voulait rien savoir de la séparation du Québec. Il bluffait, c’est tout. Comme Charles de Gaulle lorsqu’il est allé parler à des dizaines de milliers de sympathisa­nts de l’algérie française le 4 juin 1958 à Alger.

« Français, je vous ai compris ! » a tonné le général.

Tout le monde s’est dit : « Wow, le président est de notre bord, il est contre l’indépendan­ce de l’algérie ! » Alors que c’était tout le contraire… Ça fait 28 ans que Bourassa a prononcé son fameux discours.

C’est quand, la dernière fois qu’un politicien a prononcé un discours qui vous a ému, transporté, inspiré, secoué, surpris ?

Le 22 juin 1990, on se disait que tout était possible, au Québec. Tous les horizons étaient ouverts. Même une déclaratio­n d’indépendan­ce faite par un gouverneme­nt libéral !

Aujourd’hui, on regarde devant nous et on ne voit rien. Tout semble bouché. Nous avons abattu toutes nos cartes, même les plus improbable­s.

On fête la Saint-jean sans passion. De façon mécanique.

Et on s’apprête à voter CAQ par dépit. Faute d’alternativ­e valable.

Vous ne trouvez pas ça triste, vous ?

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