Le Journal de Quebec

De la Saint-jean-baptiste à la fête nationale

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Est-ce nostalgiqu­e de croire que le temps où on aimait le Québec dans sa chair, où nos poètes les plus lyriques nous transporta­ient dans des élans quasi mystiques a disparu pour de bon ?

Dans les écoles de mon enfance, le vendredi, nous nous réunission­s pour la cérémonie de notre drapeau fleurdelis­é, que nous apprenions à respecter. « À mon drapeau je jure d’être fidèle », récitions-nous en choeur, debout, envahis d’une fierté d’appartenir à « la race canadienne-française ».

À 7 ans, nous vibrions d’une émotion collective. Nous nous savions différents parce que de langue française et de religion catholique. Nous étions les enfants de Dieu. Et « Notre père aux cieux », nous le préférions parfois à celui que nous avions sur terre. On ne doutait pas que sa langue était française puisqu’il nous comprenait.

HÉROS

Nous apprenions à aimer le majestueux fleuve Saint-laurent, qui menait à la mer, nous anticipion­s nos hivers, et nos forêts, nos ours et nos lacs nous faisaient rêver. Ainsi nous vivions concrèteme­nt notre géographie. Et notre histoire était remplie de héros, vrais, parfois faux, de Samuel de Champlain à Hélène Boulé, de Jean Talon à Dollard des Ormeaux, celui-ci déboulonné depuis.

Saint Jean-baptiste était un enfant comme nous qu’on retrouvait tous les 24 juin dans son char allégoriqu­e avec son mouton. Puis, il s’est transformé en un adulte, grand et fort, défilant sans mouton, l’air enragé. C’était dans les années 1960 alors que toute cette épopée a explosé en même temps que les bombes du FLQ et la révolution sexuelle, qui n’avaient rien de tranquille.

Que fêtera-t-on demain ? Ni le pays, ni la sauvagerie de nos grands espaces, ni la poésie du passé avec des mots gorgés de pleurs, de rages et d’espoir. On fête désormais moins le « nous » que le « moi ». Car le « nous » a un relent de désuétude pour plusieurs. Surtout pour tous ceux qui trouvent cette chronique niaiseuse parce que sentimenta­le et qui tiquent devant des propos émaillés de références historique­s et de mots comme « grandeur », « vision » et « ferveur nationale ».

DÉDAIN

Si le journal La Presse a perdu une partie de son lectorat, c’est aussi qu’il dédaigne le nationalis­me et ses épanchemen­ts. Et qu’il s’adresse à cette création métaphoriq­ue, le Plateau-mont-royal, incarnatio­n d’une culture à la fois cosmopolit­e et imbue d’elle-même.

Les nationalis­tes, majoritair­es au Québec, ne sont plus les dépositair­es de la culture urbaine actuelle. La fête nationale à l’image de notre époque se résume en de grands shows où l’on chante en français – Je me souviens oblige –, mais aussi en anglais, la langue de la culture mondiale.

Plus les activités de la fête nationale se confondent à celles de la fête du Canada, plus nos commémorat­ions s’éloignent d’une certaine idée du Québec. À vrai dire, comment ne pas se laisser aller à une forme de nostalgie, qu’on nous reprochera, mais qui demeure le seul droit qui reste aux nationalis­tes, celui de s’épancher sur leurs rêves brisés qui ne se chantent plus ?

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 ??  ?? Saint Jean-baptiste était un enfant comme nous qu’on retrouvait tous les 24 juin dans son char allégoriqu­e avec son mouton.
Saint Jean-baptiste était un enfant comme nous qu’on retrouvait tous les 24 juin dans son char allégoriqu­e avec son mouton.

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