Le Journal de Quebec

Grande désillusio­n des immigrants

Plusieurs s’installent dans la capitale fédérale en pensant, à tort, pouvoir y vivre en français sans problème

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | De nombreux immigrants francophon­es qui s’établissen­t à Ottawa tombent des nues lorsqu’ils réalisent que la capitale n’est pas aussi bilingue qu’ils le pensent.

« C’est inquiétant, parce qu’on leur donne une belle image du caractère bilingue de la ville d’ottawa et à la fin, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas survivre en français », déplore la présidente du principal organisme qui défend les droits des francophon­es d’ottawa, Soukaina Boutiyeb. « Ce sont des gens vulnérable­s », insiste-t-elle. Cette tendance inquiète la communauté francophon­e d’ottawa, qui compte sur un apport accru d’immigrants pour assurer son avenir, explique Mme Boutiyeb, originaire du Maroc.

« Plusieurs finissent par s’établir au Québec », déplore-t-elle.

De nouveaux arrivants s’empressent donc d’apprendre l’anglais après leur arrivée dans la capitale fédérale, afin de faciliter leur intégratio­n ou de trouver un travail.

« Le nombre de jobs est limité en français, explique un intervenan­t auprès des nouveaux arrivants, Saint-phard Désir. L’effet de surprise est là pour la majorité des nouveaux arrivants. »

DÉCHANTER

Nadine et Fabien Kaléngayi ont fait l’expérience de ce rude atterrissa­ge linguistiq­ue lorsqu’ils sont débarqués dans la capitale fédérale, l’hiver dernier. Ils se sont rapidement tournés vers un organisme communauta­ire qui offre des cours d’anglais gratuits.

Il s’agissait, pour eux, d’une question de survie.

« Non, Ottawa n’est pas bilingue. De manière officielle, c’est bilingue. Mais combien de personnes parlent réellement les deux langues ? Et on les parle où ? C’est ça, le grand problème. Dans le bus, dans le marché, on vous aborde qu’en anglais », confie M. Kaléngayi, un réfugié congolais récemment établi à Ottawa avec sa femme et ses deux enfants.

Originaire du Gabon, Bertin Obiang a passé 12 ans à Trois-rivières. Les perspectiv­es d’emploi alléchante­s l’ont attiré vers Ottawa l’hiver dernier. Il croyait bien que son anglais fonctionne­l lui permettrai­t de se faire une place sur le marché du travail. Mais il a vite déchanté. On lui a rapidement fait comprendre que son niveau de langue n’était pas assez bon.

« Je me suis dit que ce ne serait pas vraiment un handicap d’avoir un anglais de base, explique-t-il. Là, je me suis buté à la réalité. »

« Ce matin, j’étais dans un salon de l’emploi, et tout le monde ne parlait qu’en anglais. C’est frustrant », ajoute-t-il.

IMAGE TROMPEUSE

Ironiqueme­nt, les formulaire­s d’immigratio­n bilingues du gouverneme­nt canadien peuvent laisser croire à tort à ceux qui cherchent à s’établir au Canada que le français est utilisé partout au pays, croit l’ex-commissair­e aux langues officielle­s, Graham Fraser.

« Sur internet, toutes les informatio­ns sont dans les deux langues officielle­s. Cela induit en erreur les immigrants potentiels », note l’ancien journalist­e, aujourd’hui chercheur à l’université d’ottawa.

« NON, OTTAWA N’EST PAS BILINGUE [...] DANS LE BUS, DANS LE MARCHÉ, ON VOUS ABORDE QU’EN ANGLAIS » – Fabien Kaléngayi, un Ottavien

 ?? SOURCE : STATISTIQU­E CANADA PHOTO GUILLAUME ST-PIERRE ?? Nadine et Fabien Kaléngayi, des réfugiés congolais, sont débarqués dans la capitale fédérale avec leurs enfants durant l’hiver dernier. Tous les membres de la famille ont dû apprendre l’anglais puisque le français ne leur permettait pas d’y vivre.
SOURCE : STATISTIQU­E CANADA PHOTO GUILLAUME ST-PIERRE Nadine et Fabien Kaléngayi, des réfugiés congolais, sont débarqués dans la capitale fédérale avec leurs enfants durant l’hiver dernier. Tous les membres de la famille ont dû apprendre l’anglais puisque le français ne leur permettait pas d’y vivre.

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