Grande désillusion des immigrants
Plusieurs s’installent dans la capitale fédérale en pensant, à tort, pouvoir y vivre en français sans problème
OTTAWA | De nombreux immigrants francophones qui s’établissent à Ottawa tombent des nues lorsqu’ils réalisent que la capitale n’est pas aussi bilingue qu’ils le pensent.
« C’est inquiétant, parce qu’on leur donne une belle image du caractère bilingue de la ville d’ottawa et à la fin, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas survivre en français », déplore la présidente du principal organisme qui défend les droits des francophones d’ottawa, Soukaina Boutiyeb. « Ce sont des gens vulnérables », insiste-t-elle. Cette tendance inquiète la communauté francophone d’ottawa, qui compte sur un apport accru d’immigrants pour assurer son avenir, explique Mme Boutiyeb, originaire du Maroc.
« Plusieurs finissent par s’établir au Québec », déplore-t-elle.
De nouveaux arrivants s’empressent donc d’apprendre l’anglais après leur arrivée dans la capitale fédérale, afin de faciliter leur intégration ou de trouver un travail.
« Le nombre de jobs est limité en français, explique un intervenant auprès des nouveaux arrivants, Saint-phard Désir. L’effet de surprise est là pour la majorité des nouveaux arrivants. »
DÉCHANTER
Nadine et Fabien Kaléngayi ont fait l’expérience de ce rude atterrissage linguistique lorsqu’ils sont débarqués dans la capitale fédérale, l’hiver dernier. Ils se sont rapidement tournés vers un organisme communautaire qui offre des cours d’anglais gratuits.
Il s’agissait, pour eux, d’une question de survie.
« Non, Ottawa n’est pas bilingue. De manière officielle, c’est bilingue. Mais combien de personnes parlent réellement les deux langues ? Et on les parle où ? C’est ça, le grand problème. Dans le bus, dans le marché, on vous aborde qu’en anglais », confie M. Kaléngayi, un réfugié congolais récemment établi à Ottawa avec sa femme et ses deux enfants.
Originaire du Gabon, Bertin Obiang a passé 12 ans à Trois-rivières. Les perspectives d’emploi alléchantes l’ont attiré vers Ottawa l’hiver dernier. Il croyait bien que son anglais fonctionnel lui permettrait de se faire une place sur le marché du travail. Mais il a vite déchanté. On lui a rapidement fait comprendre que son niveau de langue n’était pas assez bon.
« Je me suis dit que ce ne serait pas vraiment un handicap d’avoir un anglais de base, explique-t-il. Là, je me suis buté à la réalité. »
« Ce matin, j’étais dans un salon de l’emploi, et tout le monde ne parlait qu’en anglais. C’est frustrant », ajoute-t-il.
IMAGE TROMPEUSE
Ironiquement, les formulaires d’immigration bilingues du gouvernement canadien peuvent laisser croire à tort à ceux qui cherchent à s’établir au Canada que le français est utilisé partout au pays, croit l’ex-commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.
« Sur internet, toutes les informations sont dans les deux langues officielles. Cela induit en erreur les immigrants potentiels », note l’ancien journaliste, aujourd’hui chercheur à l’université d’ottawa.
« NON, OTTAWA N’EST PAS BILINGUE [...] DANS LE BUS, DANS LE MARCHÉ, ON VOUS ABORDE QU’EN ANGLAIS » – Fabien Kaléngayi, un Ottavien