Le Journal de Quebec

« Serge m’a fait chanter mes fautes »

- CÉDRIC BÉLANGER

Serge Gainsbourg est mort depuis vingt-sept ans. Mais ses chansons lui survivent, en grande partie grâce à Jane Birkin. Samedi soir, elle les fera revivre en équipe avec l’orchestre symphoniqu­e de Québec. Place à Birkin/ Gainsbourg-le symphoniqu­e.

« Cette tournée est tellement fabuleuse, s’enflamme-t-elle. Elle me permet de voyager dans le monde entier. Je dois tout ça aux Francofoli­es de Montréal. »

Pourquoi dites-vous cela à propos des Francos ?

« C’est par l’entremise de Monique Giroux que j’ai été mise en contact avec les gens des Fran- cofolies pour le concert symphoniqu­e (en 2016). C’est à cause de vous. J’étais venue avec Michel Piccoli et Hervé Pierre pour faire les mots de Serge sans musique. J’ai même été dans votre hôpital. J’ai d’ailleurs encore la carte, si ça m’arrive de nouveau. J’étais encore sacrément malade et je n’avais pas de voix. Je n’étais pas fière de mes deux performanc­es. Cette fois-ci, c’est le même chef, et j’espère qu’il sera plus content de moi. »

Ça doit procurer un sentiment particulie­r de rechanter les chansons de votre ex-mari avec un orchestre symphoniqu­e ?

« C’est très émotionnel. C’est comme voler. Quand j’entends les violons et tout l’orchestre sur des chansons comme Baby Alone in Babylone, ça donne des frissons parce que c’est si grandiose comme son. C’est tellement glorifié que ça donne envie de chialer. »

Peut-on dire que vous redécouvre­z ces chansons à travers ce projet ?

« Redécouvri­r, non, parce que je les connais quand même depuis vingt-cinq ans. Les chansons choisies sont les plus mélancoliq­ues. Ce sont celles que Serge a écrites après notre séparation. C’est un sentiment étrange de chanter ses peines à lui. Mais il y a aussi La Javanaise, La chanson de Prévert, des chansons plus vieilles pour ponctuer, pour que ça ne soit pas juste triste. Mais c’est vrai que mes préférées sont les tristes. Avec un orchestre philharmon­ique, elles sont portées aux nues. »

Quelles sont les émotions qui vous habitent quand vous chantez ces chansons tristes ?

« Je pense que je les interprète très bien. C’est mon côté actrice. Je suis Serge, je joue Serge, je joue ces tristesses à lui. Il les a écrites pour que je les interprète, mais les sentiments sont les siens.»

Il y a donc encore une immense connexion entre vous…

« Ces chansons, elles font partie des plus belles choses qu’il a écrites. Et il me les a données. Il m’a fait chanter mes fautes. C’est un cas psychologi­que assez intéressan­t. Je chante quand même des mensonges par omission et ces mensonges étaient les miens. Je chante ça chaque soir. C’est dans Amours des feintes (elle fredonne ‘‘Des faux-semblants, infante défunte, se pavanant, couleur absinthe, odeur du temps, jamais ne serai comme avant’’. C’est dans Lost Song (elle chante encore ‘‘Dans la jongle de nos amours éperdues, notre émotion s’est perdue, tu jongles avec des mots inconnus de moi, je n’ai pas assez lu dans tes yeux, d’autres filles, je le savais, je me suis tu’’). C’est étrange tout de même de chanter ça. Et je l’ai fait devant lui, dans le studio. C’est moi qu’il voulait. Je le voyais pleurer. Tout ce que je pouvais faire, c’était de chanter aussi haut et aussi bien que je pouvais. Je le rendais fier. Et nous avons eu les disques d’or, les prix Charles Cros. »

Est-ce qu’il avait raison d’écrire ces mots ?

« Pour lui, bien sûr. Après, j’aurais pu refuser de les chanter. Mais je voulais encore être son interprète et je voulais avoir encore des rapports profession­nels et privés avec lui. Nous étions devenus des confidents. »

Depuis son décès, y a-t-il eu un moment où vous avez ressenti le besoin de vous détacher de Gainsbourg ?

« Non, mais j’avais essayé d’écrire moi-même. J’ai fait un album qui s’appelait Enfants d’hiver et je pense qu’il y a peut-être deux ou trois chansons qui valaient le coup. Ça n’avait pas été un succès, mais j’aimerais remettre ça un jour. »

Pour une Anglaise de naissance, mais qui a vécu une grande partie de sa vie en France, que représente le Québec ?

« J’ai surtout une grande affection pour Montréal. J’aurais pu y vivre facilement. Pas New York. Montréal a le côté français et aussi un côté comme New York, mais sans la terreur de s’y trouver. Mais surtout, et au-dessus de tout, il y a les Canadiens. »

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PHOTOS D’ARCHIVES JOHN TAYLOR, MARTIN ALARIE ET AFP 1. Jane Birkin en compagnie de Serge Gainsbourg lors d’une visite à Montréal, en 1986. 2. En spectacle à la Maison symphoniqu­e, en 2016. 3. L’actrice visite une exposition consacrée à sa fille, Kate Barry, décédée en 2013. 3
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