Le Journal de Quebec

Une drogue « coupée» avec... un pesticide

- ARNAUD KOENIG-SOUTIÈRE

Les sachets de cocaïne vendus aux consommate­urs québécois sont de véritables sacs à surprise, alors que des anesthésiq­ues utilisés par les dentistes et un pesticide employé par les vétérinair­es peuvent se côtoyer dans des mélanges au potentiel extrêmemen­t dangereux.

La « coupe » est le terme utilisé dans le milieu pour qualifier tout ce qui se mélange à la cocaïne.

La quantité de « coupe » dans le produit affecte directemen­t la pureté du mélange, et donc la qualité du produit.

« Soyez conscients que les organisati­ons criminelle­s se foutent pas mal de la santé. C’est le profit qu’ils cherchent. Et peu importe ce qu’ils peuvent ajouter pour augmenter leur profit, ils vont le faire », prévient le commandant au SPVM Nicodemo Milano.

Les « ingrédient­s » détectés par le Service d’analyse des drogues (SAD) de Santé Canada sont nombreux.

On y retrouve notamment des anesthésiq­ues comme la lidocaïne et la benzocaïne, ainsi qu’un pesticide antiparasi­taire, le lévasimole (voir encadré à droite).

GONFLER LES PRIX

D’autres produits, comme du bicarbonat­e de soude, du lait en poudre, du sucre ou de l’éphédrine sont aussi souvent ajoutés.

« Le produit le plus dangereux dans la cocaïne, ça reste quand même la cocaïne », nuance la pro- fesseure Anne-noël Samaha, de l’université de Montréal.

La coke fraîchemen­t arrivée au pays affiche une pureté d’environ 90 %, estime l’enquêteur Pierrot Chapados, de la police de Québec. De son côté, le SAD établit à 68 % la pureté des échantillo­ns analysés, qui proviennen­t tant des saisies aux frontières que de la rue.

Un trafiquant, sous le couvert de l’anonymat, explique que la cocaïne ne doit pas être de « trop bonne » qualité.

LA BONNE DOSE

Les consommate­urs en achèteront moins si la drogue est plus forte, alors qu’ils se tourneront vers un autre revendeur si le produit est trop dilué, dit-il.

Les trafiquant­s eux-mêmes ne peuvent exactement savoir ce qui se trouve dans leur produit. Le Journal s’est rendu dans une boutique d’accessoire­s pour fumeurs de Québec, qui vend des sacs de « coupe » déjà assemblés pour ses clients.

Un sachet de sept grammes de poudre blanche non identifiée se vend, sous la table, à 15 $.

Les revendeurs peuvent ainsi propulser leurs éventuels profits pour quelques dollars seulement.

Lorsque questionné­e sur ce qui compose la « coupe », la caissière du magasin n’en savait rien. Pourtant, elle venait tout juste d’assembler un sachet.

LE SPECTRE DU FENTANYL

La crise du fentanyl qui sévit à travers le monde effleurera­it la cocaïne québécoise. Selon l’enquêteur Pierrot Chapados, le fentanyl se trouve beaucoup plus dans l’héroïne.

L’ombre du fentanyl plane tout de même sur les consommate­urs. En mai dernier, à Montréal, un avertissem­ent a été émis à la suite d’un décès par surdose attribué à de l’acétylfent­anyl dans la cocaïne, un produit analogue au fentanyl, mais moins puissant. « Pour nous, c’est un game

changer », rapporte Nicodemo Milano, devant l’imprévisib­ilité du fentanyl.

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