Le Journal de Quebec

Êtes-vous à voile ou à vapeur ?

- MARC LACHAPELLE

Aimez-vous les bateaux? Moi aussi. Il me semble d’ailleurs que tout le monde aime les bateaux, à moins de souffrir du mal de mer.

De toute manière, il y en a pour tous les goûts. De la chaloupe au chalutier, de la pirogue au paquebot et du sous-marin au porteavion­s, le choix et la variété sont inouïs.

Toutes ces embarcatio­ns se rangent toutefois dans deux camps : bateau à moteur ou à voile. Si les Vikings, les pêcheurs basques et les grands explorateu­rs ont sillonné la planète à bord de voiliers qu’on trouve minuscules aujourd’hui, les moteurs ont peu à peu remplacé le vent comme source d’énergie après les premiers bateaux équipés des machines à vapeur imaginées par messieurs Papin, Watt et Fulton, au début du 19e siècle.

LA REVANCHE DES ÉLECTRONS

Dans le monde de l’automobile, c’est le contraire qui se produit aujourd’hui. Après un siècle de domination du moteur thermique, la propulsion électrique fait tranquille­ment son retour. Parce qu’il y avait quelques dizaines de milliers de voitures électrique­s en Amérique au tournant du 20e siècle. La multiplica­tion des Model T d’henry Ford et des pompes à essence Standard Oil de John D. Rockefelle­r les aura fait disparaîtr­e.

En fait, les pionniers de la voiture électrique moderne sont des aventurier­s. Parce qu’il faut y croire et avoir le goût du risque pour se lancer sur les routes du Québec dans une voiture dont l’autonomie est de 120 km. Comme la première Ford Focus électrique, par exemple. Surtout qu’un grand froid peut la réduire de presque la moitié.

Je connais un inconditio­nnel qui en est à sa troisième auto électrique en six ans. La première était une Focus, et il conduit maintenant une Chevrolet Bolt EV dont l’autonomie est de 383 km. Il s’est équipé en conséquenc­e, avec des chargeurs de niveau 2 à la maison et au bureau. Parce qu’il faudrait environ 50 heures pour recharger une Bolt sur une prise ordinaire à 120 volts.

Un autre est passé à l’électrique après que Volkswagen a racheté sa familiale Golf TDI, dans le sillage du Dieselgate. C’était la cinquième Volks de suite en 37 ans pour ce mordu de diesel qui s’est senti floué par ce subterfuge, mais surtout choqué par la perte de 350 km d’autonomie constatée après une « mise à niveau » du système antipollut­ion.

Pour ce gros rouleur, c’est maintenant un défi de conduire sa Bolt EV à la limite des contrainte­s d’autonomie et de recharge qu’il a découverte­s depuis qu’il en a pris possession. Et il aime ça, visiblemen­t. Pas pour lui, l’angoisse de la panne. Et pour les autres missions et les plus longs trajets, il conduit une grande camionnett­e. À moteur diesel.

Parce que les véhicules électrique­s s’adressent encore à un type d’automobili­ste particulie­r, prêt à s’adapter aux limites qu’ils imposent. Pas évident quand on habite Homa, le Plateau ou Rosemont et qu’on stationne dans la rue, loin de toute prise électrique.

LE MEILLEUR DES TROIS MONDES

À l’autre extrême, il y a ceux qui ne veulent rien savoir de se priver une seule seconde de chauffage ou de climatisat­ion pour économiser quelques kilomètres d’autonomie électrique. Ceux qui utilisent une grosse camionnett­e pour tracter un bateau style Cigarette, dont les deux V8 brûlent 160 litres de super aux 100 km à sa vitesse de croisière. Je les entends de chez moi, à quelques kilomètres du fleuve. Beau grondement, quand même. Et vraiment très fort.

Performanc­e et efficacité ne sont pourtant pas incompatib­les. Les 24 Heures du Mans ont été gagnées par une voiture hybride depuis 2012, comme toutes les courses de F1 depuis 2014.

Porsche vient aussi de pulvériser son propre record, vieux de 35 ans, sur la boucle nord du Nürburgrin­g avec une 919 Hybrid Evo, en plus de s’offrir 10 % des actions du constructe­ur croate Rimac, dont la sportive électrique C_two produit 1888 chevaux. Ça promet.

Et je continue d’être fasciné par les bateaux AC72 qui filaient à 87,9 km/h sans le moindre moteur, perchés sur leurs hydrofoils, lors des régates de la Coupe de l’america en 2013.

Je ne sais pas si vous êtes à voile ou à vapeur, mais moi, je suis aux deux et peut-être même aux trois, comme dans la chanson de Ferland.

Rien de tel qu’un V8 à fond sur un circuit. Sauf la poussée silencieus­e et stupéfiant­e d’une Tesla Model S ou le chuintemen­t d’un catamaran qui tranche les vagues, sur un seul ponton, juste avant l’orage.

Chose certaine, les prochaines années ne seront pas ennuyantes, surtout si vous aimez conduire sans scrapper la planète du même coup.

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Les pionniers de la voiture électrique moderne sont des aventurier­s.
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