Le Journal de Quebec

Guerre et paix à Helsinki

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En une année et demie de présidence, Donald Trump a tout viré à l’envers. Il s’est attaqué aux alliés traditionn­els des États-unis, a dénigré en termes vulgaires les pays africains et s’est acoquiné avec le dictateur nord-coréen. Il a exagéré, menti, trompé et pourtant, 87 % des républicai­ns, les membres de son parti, approuvent ce qu’il fait.

Il peut donc se présenter avec confiance au sommet de demain à Helsinki en Finlande avec le président russe, Vladimir Poutine : peu importe ce qu’il en tirera, ses partisans sont prêts à avaler n’importe quelle anguille.

De toutes les grandes rencontres depuis la Seconde Guerre mondiale, celle-ci est la plus déconcerta­nte. Il n’y a ni ordre du jour, ni crise immédiate à régler, ni projet d’accord précis. À vrai dire, depuis l’annonce de ce faceà-face, la principale question posée reste : « Pourquoi ? »

MON AMI, VLAD

La réponse la plus simple – et probableme­nt la bonne – tient à la volonté de Donald Trump, plusieurs fois répétée, de « connecter » avec Vladimir Poutine, de bien s’entendre avec le maître du Kremlin. Rappelez-vous, il est allé jusqu’à prendre sa défense devant Bill O’reilly, l’ancien présentate­ur-vedette de Fox News.

« Poutine est un meurtrier », a rétorqué O’reilly au respect exprimé par Trump envers Poutine dans une interview de février 2017. À quoi le tout nouvelleme­nt assermenté président avait répliqué : « Nous avons nous-mêmes beaucoup de tueurs. Vous pensez que notre pays est si innocent ? » C’est ce Trump-là qui doit tenir tête à Poutine à Helsinki.

LE (MAUVAIS) EXEMPLE DE SINGAPOUR

Trump et Poutine ne se sont croisés que deux fois, et de façon informelle : en juillet l’année dernière au sommet du G20 en Allemagne et en novembre au Vietnam, à la réunion annuelle du Forum de coopératio­n Asie-pacifique. Les Russes disposent toutefois du privilège d’avoir récemment vu agir le président américain lors d’une autre rencontre ultra-médiatisée : son tête-à-tête avec Kim Jong-un, le leader nord-coréen.

Ce qu’ils ont pu constater, c’est que pour la solennité et tout le tralala d’un soi-disant « grand moment » de diplomatie internatio­nale, le président Trump s’est montré prêt à céder beaucoup – la fin des exercices militaires conjoints entre Américains et Sud-coréens et une reconnaiss­ance internatio­nale pour le petit tyran de Pyongyang – contre… essentiell­ement rien.

EN FAIT, MOINS QUE RIEN

À preuve, la récente visite du secrétaire d’état Mike Pompeo en Corée du Nord où il a été essentiell­ement boudé par les autorités du pays et la reconnaiss­ance par les États-unis à L’ONU au cours des derniers jours que les Nord-coréens faisaient de la contreband­e de pétrole, en violation des sanctions internatio­nales.

Pourtant, loin de donner du poing sur la table, Donald Trump a plutôt re-tweeté une lettre que lui a fait parvenir Kim Jong-un dans laquelle, toujours sans offrir la moindre précision quant à la dénucléari­sation de son pays, le jeune leader nord-coréen sert au président américain du « Votre excellence ! » cinq fois au fil de quatre paragraphe­s. Et Trump d’en conclure : « Une très belle note. De grands progrès sont accomplis ! » Au diable Pompeo, le pétrole et les sanctions, Son Excellence est heureuse.

Aux accusation­s de se montrer incompréhe­nsiblement conciliant à l’égard de Vladimir Poutine, Donald Trump répond constammen­t qu’aucune autre administra­tion n’a été aussi dure envers la Russie que la sienne. C’est faux, les sanctions viennent soit de l’administra­tion Obama, soit de décisions prises au Congrès. Reste qu’il a la chance, comme on dit en anglais, « to walk the talk », de confronter franchemen­t Poutine, par exemple, sur l’interventi­on des Russes dans le système électoral américain.

S’il le faisait, c’est sûr, la mâchoire nous décrochera­it. On peut toujours rêver.

 ?? PHOTO AFP ?? Le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump lors du Forum de coopératio­n Asie-pacifique, à Danang, au Vietnam le 11 novembre dernier.
PHOTO AFP Le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump lors du Forum de coopératio­n Asie-pacifique, à Danang, au Vietnam le 11 novembre dernier.

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