Le Journal de Quebec

Son foie détruit par les boissons énergisant­es alcoolisée­s

À 32 ans, Samuel Blais-gauthier aura une deuxième chance à la suite d’une transplant­ation de foie

- SIMON-PIER OUELLET

GATINEAU | À force de consommer du Fckdup et du Four Loko, Samuel BlaisGauth­ier a détruit son foie. L’homme de 32 ans a dû démontrer à Transplant Québec qu’il était prêt à changer son mode de vie pour qu’on accepte de lui transplant­er un nouvel organe.

Pendant deux ans, Samuel Blais-gauthier carburait littéralem­ent aux boissons énergisant­es alcoolisée­s. Il en était au point où il ne buvait presque pas d’eau. Tout ce qu’il buvait contenait plus de 10 % d’alcool et était bourré de sucre.

Il pouvait boire tous les jours de deux à quatre canettes de marques différente­s, les plus connues étant Four Loko et Fckdup.

« Ça donne un boost d’énergie rapidement. C’est ce dont j’avais besoin. Mais je suis devenu accro », explique-t-il.

CIRRHOSE

L’homme de 32 ans en a tellement abusé que sa santé a été affectée. Il y a un an, les médecins lui ont annoncé qu’il souffrait d’une cirrhose et que, sans une greffe, ses chances de survie étaient évaluées à seulement 25 %.

« Je ne voulais pas y croire. Je n’ai jamais consommé de drogue ni fumé de cigarettes. Mais boire ces boissons énergisant­es alcoolisée­s a détruit mon foie », dit l’homme.

Il ignore exactement si c’est l’alcool ou les boissons énergisant­es qui ont causé les plus gros dommages. Sans doute la combinaiso­n des deux, selon lui.

Il se plaignait de maux de ventre depuis des mois avant de se rendre à l’hôpital. Lorsqu’il s’est finalement rendu à l’urgence, il y a un an, la douleur était insupporta­ble. Il était plié en deux. Dès qu’il est arrivé à l’urgence, l’infirmière lui a demandé s’il consommait de l’alcool.

« Tout mon corps était jaune. J’ai répondu oui et j’ai aussitôt été hospitalis­é pour subir une batterie d’examens », mentionne Samuel Blais-gauthier.

CHANGER POUR UN NOUVEAU FOIE

Le verdict est tombé rapidement. Sans une greffe de foie, ses chances de s’en sortir étaient minces.

Transplant Québec voulait bien lui donner un nouveau foie. Mais il a dû prouver qu’il n’allait pas le détruire à nouveau avec les boissons énergisant­es. Sinon, l’organe aurait été donné à quelqu’un d’autre. Il a notamment dû prouver qu’il était abstinent depuis six mois.

« J’ai rencontré des psychologu­es, des psychiatre­s et des experts en toxicomani­e qui ont évalué mon état mental. Il faut vraiment que tu démontres une réelle volonté de changer de mode de vie pour être accepté », a-t-il dit.

Après tous ces tests, les spécialist­es ont accepté d’ajouter son nom sur la liste d’attente, mais encore fallait-il trouver un organe. L’attente n’a duré que quelques mois, mais a semblé interminab­le à Samuel Blais-gauthier.

Il raconte qu’il était à quelques semaines de mourir le printemps dernier.

« Je me voyais dépérir de jour en jour. Je n’étais pratiqueme­nt plus capable de me lever. À un certain moment, je n’y croyais plus (à la greffe) », dit-il.

L’appel inespéré est arrivé le 25 avril dernier. La mort d’une personne qui avait préalablem­ent signé sa carte de dons d’organes allait pouvoir sauver l’homme.

RENAISSANC­E

La transplant­ation a eu lieu à la fin du mois d’avril au Centre hospitalie­r de l’université de Montréal. Quelques semaines plus tard, l’homme a l’impression de renaître et est plus en forme que jamais.

« J’ai l’impression de porter en moi une espèce de vase de cristal hyper fragile. Ce donneur-là va probableme­nt rester inconnu, mais à mes yeux, c’est un geste qui est héroïque », mentionne l’homme avec beaucoup d’émotion.

Samuel Blais-gauthier a décidé de parler de son histoire publiqueme­nt, non seulement pour sensibilis­er les gens au don d’organes, mais également pour lancer un avertissem­ent au sujet de ces boissons alcoolisée­s à haute teneur d’alcool.

Le producteur de l a marque Fckdup, le Groupe Geloso de Laval, avait d’ailleurs annoncé en mars dernier qu’il cessait la distributi­on de ses produits dans les dépanneurs après la mort d’une adolescent­e de 14 ans.

Athena Gervais avait été retrouvée morte dans un ruisseau derrière une école secondaire après s’être cogné la tête en tombant, visiblemen­t en état d’ébriété. Selon ses amis, elle aurait consommé trois canettes de cette boisson sur l’heure du dîner.

Samuel Blais-gauthier reconnaît que le faible coût et l’accessibil­ité de ces boissons ont contribué à le rendre accro. Avant de devenir alcoolique au point d’en consommer tous les jours, il affirme qu’il buvait de l’alcool de manière récréative certains soirs et les fins de semaine.

Mais c’est quand ses horaires de travail ont commencé à s’intensifie­r et qu’il se sentait de plus en plus fatigué qu’il a commencé à consommer ces boissons.

« Ce n’est pas nécessaire­ment de partir en croisade contre ces fabricants, parce qu’à mon avis, ce n’est pas la boisson en tant que telle qui est le problème, c’est l’usage qu’on en fait », a-t-il dit.

« Mais je veux servir d’exemple et dire aux gens : faites attention à comment vous consommez ces produits-là. Moi, à 32 ans, j’ai complèteme­nt ruiné mon foie et j’étais à quelques semaines de la mort », réalise l’homme.

Samuel Blais-gauthier s’estime heureux de pouvoir faire du patin à roues alignées aujourd’hui après avoir frôlé la mort.

Il est reconnaiss­ant d’avoir pu bénéficier d’une deuxième chance grâce à la générosité d’un homme.

CONFÉRENCE

Il a déjà commencé des démarches avec Transplant Québec afin de pouvoir donner des conférence­s sur l’importance de signer sa carte de don d’organes.

« C’est primordial de signer la carte. Bien des gens sont pour le don d’organes, mais ne font pas le petit geste simple qui peut carrément sauver des vies. J’en suis la preuve vivante », mentionne Samuel.

Si la dernière année fut pénible, non seulement en raison de son état de santé, mais également à la suite de tous les allers-retours entre Montréal et Gatineau, son lieu de résidence, pour voir les médecins, il compte bien reprendre le travail dans quelques mois. Dès que les spécialist­es donneront leur feu vert.

« J’ai l’intention de profiter de chaque instant que la vie me donne. Je veux honorer la personne qui est décédée et qui m’a fait ce don de la vie. Je n’ai pas l’intention de décevoir cette personne. Je veux mordre dans la vie », assure-t-il.

Samuel Blais-gauthier dit aussi poursuivre le combat contre l’alcoolisme. Un combat qu’il a l’intention de gagner en restant sobre comme c’est le cas depuis déjà un an.

« FAITES ATTENTION À COMMENT VOUS CONSOMMEZ CES PRODUITS-LÀ. » – Samuel Blais-gauthier

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