Le Journal de Quebec

LÀ OÙ NAQUIT UNE LÉGENDE

Pierre Harvey, président d’honneur de la 50e édition

- Alain Bergeron l Abergeronj­dq

VAL-D’OR | L’encyclopéd­ie canadienne du sport consacre plusieurs chapitres à Pierre Harvey, illustre autant en matière de cyclisme que de ski de fond. Ce que l’histoire ne raconte pas, c’est que cette légende est peut-être née durant une journée venteuse du mois d’août 1975 sur une route d’abitibi.

Pour s’offrir un président d’honneur à sa 50e édition, le Tour de l’abitibi a dégagé de ses souvenirs le championna­t spectacula­ire obtenu en 1975 par un jeunot de 18 ans, inconnu jusque-là, et soutenu par sa surprenant­e équipe de Rimouski. Maintenant que l’on connaît la dimension atteinte par le personnage, il est permis de situer sa victoire parmi les plus grandes de cet événement.

« C’est au Tour de l’abitibi que j’ai réalisé que j’avais un talent », affirme aujourd’hui cet homme chez qui on ne devine pas ses 61 ans.

UNE REMONTÉE PRODIGIEUS­E

On l’a bien vu le 31 août de cette annéelà, durant la quatrième des huit étapes, une commande de 83 bornes entre Rouyn-noranda et La Sarre. Au 24e km, Harvey, alors deuxième au classement général, crève un pneu et voit le peloton s’éloigner. Dans celui-ci se trouve son coéquipier Jacques Belzile, porteur du maillot brun du meneur.

Partagés entre le devoir de protéger Belzile, qu’on redoute de voir remporter le Tour en raison de son âge, 26 ans ( voir

autre texte), et la tentation d’attendre le jeune Harvey favori pour le titre ultime, les gars de Rimouski demeurent groupés dans l’espoir de retenir le peloton.

Loin derrière, après le changement de roue, Harvey remonte en selle et serre les dents. Dans son projet solitaire, le nez dans le vent, il mettra plusieurs kilomètres pour avaler la minute perdue. Avec comme seuls voisins la voiture de son entraîneur Jean-pierre Thiboutot et l’organisate­ur Léandre Normand sur une moto. Et la souffrance.

« Je me souviens très bien de cette journée. Quand je suis reparti, je me disais : “Câline, je ne sais pas si je vais être capable de revenir.” Alors, je me suis mis à pousser comme un malade. C’était dur, mais tu es tellement sur l’adrénaline. Quand je suis arrivé parmi les autos suiveuses, ce fut réconforta­nt », se souvient-il.

PUIS, UNE ATTAQUE

Après s’être refait une santé dans le peloton, Harvey lancera plus tard une attaque à laquelle réagissent cinq autres coureurs. Ils prendront une trentaine de secondes sur la meute. Bien peu croient en la capacité de Harvey de tenir le coup après l’effort fourni une heure plus tôt. Pourtant, le moteur diesel de Rimouski en rajoute une couche au sprint devant ses partenaire­s d’échappée et lève les bras au ciel pour souligner sa victoire dans le centre-ville de La Sarre.

« C’est là que j’ai réalisé que j’étais capable de me battre avec les meilleurs. »

Ce soir-là, il dort avec le maillot brun et se l’approprie pour de bon, deux étapes plus tard, en remportant le contre-lamontre individuel de 19 km de La Sarre à Macamic.

UNE CARRIÈRE PROLIFIQUE

Dix-huitième au classement final et gagnant aussi du contre-la-montre l’année précédente, ce Tour de 1975 a cette fois révélé l’athlète complet qu’il est devenu. Sa carrière ne se résume pas en quelques lignes, sinon pour en étaler quelques éclats : Jeux olympiques de Montréal et de Los Angeles en cyclisme ; ceux de Sarajevo et de Calgary en ski de fond ; médaillé aux Jeux du Commonweal­th ; gagnant du prestigieu­x marathon de 50 km d’oslo ; etc.

Pour le titre de président d’honneur de cette 50e édition, encore là, c’est lui qui a gagné la course à l’interne du comité de sélection.

« Qui voulait-on nommer qui représenta­it le mieux l’image du Tour ? Ce qui se passe avec la famille Harvey a motivé notre choix. Pierre a gagné le Tour, et on connaît la carrière de son fils Alex », explique Patrick Loiselle, directeur général du Tour.

« Ça m’a surpris, avoue Harvey à propos de cet égard de la part du Tour. En cyclisme, c’est vrai que j’ai eu moins de reconnaiss­ance qu’en ski de fond. En cyclisme, je dirais que c’est le plus bel honneur qu’on m’ait fait... »

 ?? PHOTO ALAIN BERGERON ?? Résidant aux abords du mont Sainte-anne, Pierre Harvey s’adonne au vélo de montagne depuis plusieurs années. C’est sur un vélo de route qu’il a cependant lancé sa carrière sportive avec sa victoire au Tour de l’abitibi en 1975.
PHOTO ALAIN BERGERON Résidant aux abords du mont Sainte-anne, Pierre Harvey s’adonne au vélo de montagne depuis plusieurs années. C’est sur un vélo de route qu’il a cependant lancé sa carrière sportive avec sa victoire au Tour de l’abitibi en 1975.
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