Quand Legault renie Gérin-lajoie
S’il devient premier ministre le 1er octobre, François Legault boudera peut-être le Sommet de la Francophonie qui aura lieu les 12 et 13 octobre à Everan en Arménie.
Voilà la position choquante qu’il a exposée dans une entrevue à la Presse canadienne jeudi.
MAUVAISE PRESSE
L’organisation internationale de la Francophonie, il faut le dire, a mauvaise presse depuis quelque temps.
Entre autres à cause de l’actuelle Secrétaire générale Michaëlle Jean et de sa gestion calamiteuse, laquelle « déteint sur l’ensemble de l’organisation, son rôle, son fonctionnement, son influence », comme l’écrivait récemment l’ancienne ministre Louise Beaudoin dans Le Devoir.
En somme, la Francophonie a tellement mauvaise image qu’un aspirant premier ministre du Québec, qui caracole en tête des sondages, se sent obligé de laisser planer le doute sur son éventuelle participation au Sommet où les 84 États et gouvernements membres choisiront la prochaine secrétaire générale.
Triste. La faute en revient à Michaëlle Jean.
Mais aussi à François Legault qui, sous couvert de ne pas avoir l’air présomptueux (« Je ne tiens rien pour acquis quant à mon élection »), tente principalement de satisfaire une partie de sa base qui ne voit en L’OIF que perte de temps et d’argent.
TICOUNISME
Or, à mes yeux, cette rhétorique procède en grande partie du « ticounisme », selon le joli néologisme forgé par le collègue chroniqueur Mathieu Bock-côté.
« Le ticounisme consiste à se moquer de tout appel à la grandeur et à se complaire dans tout ce qui est petit », expliquait-il.
Dire qu’on n’ira pas au Sommet de la Francophonie pour François Legault, c’est précisément faire comprendre qu’il y a là du monde bien trop grand pour le « petit Québec » provincial que nous formons.
Cela me rappelle un des commentaires les plus déprimants qu’une de mes élèves – j’enseignais alors au collégial – m’avait fait lors d’une visite à l’assemblée nationale.
« Mais on est-tu vraiment capable de se payer ça ? » avait-elle lâché, sous les lambris du Salon bleu, avec une moue de malaise.
Misère du ticounisme.
L’HÉRITAGE DE GÉRIN-LAJOIE
Bien sûr, L’OIF mérite des critiques. Mérite qu’on la surveille. Surtout lorsqu’une personne s’imaginant princesse la dirige. On y envoie quand même quelques millions. Mais ce n’est sûrement pas une raison pour tout renier.
Car cela reviendrait à enterrer l’héritage de Paul Gérin-lajoie, tout en faisant mine de le célébrer !
Jeudi, à l’entrée des funérailles du grand ministre libéral que fut PGL, un homme pour qui le Québec était plus qu’une « prôvince », François Legault avait pourtant su trouver les mots justes.
Il avait célébré le « nationaliste » responsable de cette doctrine « qui permet, dans des champs de compétence du Québec, quand on va à l’international, de parler en notre nom. Pas de permission à demander à Ottawa. » Jean Charest avait trouvé une belle formule pour résumer cette « doctrine » et la martelait dès qu’il était question des relations internationales du Québec : « Ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout. »
Or, la présence du Québec au Sommet de la Francophonie, c’est peut-être une des manifestations les plus achevées de la doctrine Gérin-lajoie. C’est le seul forum international où le Québec a réussi à obtenir un statut de gouvernement participant. Précisément grâce au caractère central de la langue française dans notre identité.
Oui, comme souvent en relations internationales, il s’agit d’un monde où les déclarations creuses sont reines, où les discours convenus, en trompe-l’oeil, pullulent ; mais depuis 1987, le Québec a gagné à y être.
En 2018, s’il devient premier ministre, M. Legault pourrait justement aller y porter un message en faveur d’une meilleure gestion de L’OIF, d’une action plus significative.
Rester chez lui reviendrait à céder au ticounisme.