Le Journal de Quebec

La liberté a-t-elle de l’avenir ?

- DENISE BOMBARDIER e Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

Les jeunes d’aujourd’hui ignorent ce qu’était l’éducation au temps de l’eau bénite au Québec alors que les interdits et la censure étaient la règle. Pour l’avoir décrite dans quelques ouvrages, j’avoue que j’ai manqué de lucidité et de prudence en prétendant que cette époque s’était achevée avec la Révolution tranquille. Or, je constate que la censure est revenue sous des dehors laïques.

Aujourd’hui, les jeunes sont élevés dans le relativism­e religieux. Toutes les religions, leur a-t-on appris, s’égalent, y compris celles qui sont considérée­s comme les plus fondamenta­listes, telles les sectes. Dans l’optique que tout serait égal à tout, comment comprendre ce qui est bien ou mal, vrai ou faux ?

La rectitude politique impose alors sa loi. Les jeunes, en particulie­r, ne sont pas formés pour développer leur esprit critique face aux diverses religions. Au contraire. Des professeur­s mal préparés ou incultes ont tendance à amener leurs élèves à croire que toutes les critiques à l’endroit de l’islam, par exemple, révèlent un manque d’ouverture. Ainsi, à leurs yeux, l’opposition aux accommodem­ents culturels devient une expression d’intoléranc­e, voire de racisme.

RELATIVISM­E CULTUREL

Il est frappant de constater que le relativism­e dans lequel baignent les génération­s éduquées sans culture religieuse et sans histoire des religions rend les jeunes perméables à la rectitude politique, cette façon pernicieus­e d’imposer la nouvelle morale. Comme l’ancienne, elle est aussi faite de beaux sentiments mêlés d’hypocrisie et elle fait fi de la liberté d’expression.

Un sondage récent, aux États-unis, indique qu’une proportion inquiétant­e des jeunes ne croit plus à la démocratie. Ces jeunes sont donc les héritiers de ceux qui applaudiss­ent Donald Trump, ses errances liberticid­es et son dédain de la tradition démocratiq­ue. Les jeunes libéraux du PLQ qui étaient réunis durant le week-end et qui ont concocté des propositio­ns sur l’appropriat­ion culturelle sont bien la preuve des changement­s des mentalités quant à la liberté d’expression et de création.

Ces enfants de la politique du marke- ting et des apparences tombent dans le clientélis­me politique pratiqué par le gouverneme­nt dont ils se réclament. Un Robert Lepage est certaineme­nt coupable à leurs yeux de racisme antiautoch­tone, étant non seulement blanc, mais ouvertemen­t souveraini­ste, ce « détail » qu’on a évacué de la quasitotal­ité des milliers de commentair­es qui ont en quelque sorte paralysé les médias sociaux et traditionn­els durant cet été de canicule météorolog­ique et culturelle.

OUVERTURE D’ESPRIT

Que les jeunes échappent à la dichotomie entre le bon et le méchant, qui a pesé lourd sur le Québec de jadis, est un progrès, ne le nions pas. Qu’ils soient plus ouverts, moins portés à juger leur prochain, pour user du vocabulair­e religieux, nous devons nous en réjouir.

Mais que la majorité d’entre eux estiment que la liberté de création est un caprice des artistes qui s’en réclament et bafoueraie­nt ainsi les droits des autochtone­s démontre la confusion de leur esprit.

Rien n’est plus inquiétant pour l’avenir que ce cocktail explosif du triomphe de la rectitude politique et de la mise en tutelle de la liberté artistique.

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