Notre ami, le despote de Riyad
L’homme fort de Riyad a sévi. Il a déclenché sa colère contre le Canada qui a osé réclamer « la libération immédiate » de militants de droits de la personne, emprisonnés dans les geôles saoudiennes.
Certes, du côté de la diplomatie canadienne, la manière n’y était pas, mais était-il nécessaire d’imposer à un « pays ami » des mesures aussi draconiennes qui mettent à mal des décennies de relations bilatérales ?
UNE AMBITION DÉVORANTE
Bien sûr que non, sauf si on s’appelle Mohammed Ben Salmane. Mais qui est donc ce despote qui fait trembler les États du Golfe, qui voue une haine viscérale à son pays voisin, l’iran, qui massacre les populations civiles au Yémen et qui réduit au silence les dirigeants des démocraties occidentales ?
On le qualifie de visionnaire pour avoir mis de l’avant un plan ambitieux, « Vision 2030 », dans le but de s’affranchir de la dépendance des hydrocarbures et avoir modernisé son pays en autorisant les Saoudiennes à conduire des autos et à assister à des événements sportifs. S’agit-il d’un véritable réformateur ou d’un mini-trump qui cherche à s’ériger en gendre du Moyen-orient ?
Mohammed Ben Salmane (alias MBS) n’est prince héritier de l’arabie saoudite que depuis 14 mois, et déjà il impressionne bien du monde.
Il a gravité dans l’orbite de son père, Salmane ben Abdelaziz, depuis 2009 qu’il a accompagné à titre de conseiller spécial dans ses différentes fonctions de gouverneur de Riyad, ministre de la Défense, prince héritier, puis roi de l’arabie saoudite depuis 2015, à l’âge de 79 ans.
Ce dernier était vu comme un roi de transition, considérant son état de santé. Déjà en avril 2014, The Economist révélait que le roi Salmane souffrait d’alzheimer. Un autre prince héritier avait été nommé, mais MBS s’est em- pressé de le destituer et de prendre sa place, en juin 2017.
Dès lors, son ascension est fulgurante. Il se hissera très rapidement au poste de vice-prince héritier et président du très puissant conseil des affaires économiques qui contrôle l’ensemble de l’industrie pétrolière. Un poste stratégique qui lui permettra de faire main basse sur le budget de l’état, tout en cumulant le poste de ministre de la Défense.
LE CÔTÉ SOMBRE DE MBS
Obnubilée par sa haine à l’égard des chiites, l’arabie saoudite va financer et armer une kyrielle de groupes djihadistes en Irak, en Syrie et au Yémen. Des interventions qui se sont soldées par des échecs retentissants.
Pour consolider son pouvoir, MBS procédera, en novembre 2017, à une vague d’arrestations où quelque 300 ministres, princes et hommes d’affaires sont emprisonnés à l’hôtel Ritz afin de les forcer à restituer leurs biens et financer ainsi son ambitieux plan « Vision 2030 ».
On ne sait pas si MBS lui-même a contribué au succès de cette opération anticorruption en transférant les centaines de milliards de dollars qu’il détient ainsi que sa famille dans les paradis fiscaux et les banques à l’étranger.
Qu’on ne s’y trompe pas. Cette purge visait surtout à isoler tous ceux qui n’apprécient pas ses méthodes et qui pourraient challenger son pouvoir.
Plus troublante encore est cette information diffusée par la chaîne américaine NBC News, le 15 mars dernier, selon laquelle MBS aurait placé sa propre mère en résidence surveillée, pendant plus de deux ans, pour l’empêcher de voir son mari, le roi Salmane.
La raison : connaissant le caractère impulsif et arbitraire de son fils, la mère voyait d’un mauvais oeil son accession au trône. Ça en dit long sur les coulisses du pouvoir au royaume wahhabite !