Le Journal de Quebec

Les fées ont-elles encore soif ?

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Il y a beaucoup de choses que j’ai hâte de voir dans cette rentrée culturelle : le prochain Dolan, la nouvelle saison de District 31 ou le film First Man, dont la bande-annonce est époustoufl­ante.

Mais LE produit culturel pour lequel je compte les dodos, c’est la nouvelle production des Fées ont soif, au Théâtre du Rideau Vert à partir du 25 septembre.

Après un été où deux pièces ont été censurées, ça va être amusant de comparer avec une pièce qui a été censurée… il y a 40 ans.

AVANCEZ PAR EN ARRIÈRE

On peut dire qu’il y a un « avant » et un « après » Les Fées ont soif, cette pièce de Denise Boucher, qui dénonçait les trois archétypes auxquels le patriarcat réduisait les femmes : la Sainte Vierge, la mère au foyer et la putain.

On pense qu’on évolue. Qu’on progresse. On se dit que quarante ans plus tard, on est plus ouvert, plus libre. Mais je trouve qu’on régresse. En 1978, le Conseil des arts de la région de Montréal avait retiré sa subvention au Théâtre du Nouveau Monde, à cause des Fées ont soif, parce que ça heurtait leur sensibilit­é.

En 2018, c’est le Conseil des arts du Canada qui refuse de financer Kanata de Robert Lepage, parce que ça ne rentre pas dans leur cadre idéologiqu­e où seuls les autochtone­s parlent des autochtone­s.

En 1978, des catholique­s manifesten­t avec des pancartes devant le TNM et lancent des médailles de la Vierge Marie aux spectateur­s venus assister aux Fées ont soif.

Été 2018, des militants manifesten­t avec des pancartes devant le TNM et lancent des insultes de « suprémacis­tes blancs » aux spectateur­s venus assister à SLĀV.

En 1978, les militants anti- Fées hurlent qu’on insulte la Vierge Marie… avant même d’avoir vu la pièce.

En 2018 les militants anti- Slāv/kanata hurlent qu’on insulte leur culture… avant même d’avoir vu ces pièces.

Non vraiment, les amis, ça va être drôlement intéressan­t de voir comment la jeune génération, élevée à coups de cours d’éthique et de culture religieuse, réagira à cette pièce qui dénonce entre autres l’oppression des femmes par la religion.

Dans les cours D’ÉCR, on leur apprend que c’est très vilain de « juger » ceux qui ont la foi.

Dans les cours D’ÉCR, il n’y a aucun regard critique sur la misogynie des religions monothéist­es, qui sont pourtant toutes misogynes.

La question qu’on pourrait se poser après avoir vu la version 2018 des Fées ont soif est la suivante : « Pourquoi les féministes québécoise­s, qui en 1978 dénonçaien­t les curés qui voulaient cacher le corps de la femme, restent aujourd’hui muettes devant une religion qui cache le corps de la femme ? »

UN HOMME ET UNE FEMME

Aujourd’hui, on répète que les femmes sont les meilleures alliées des femmes. Que si seulement il y avait plus de femmes dans les institutio­ns, la parole des femmes serait plus entendue.

Mais j’aimerais rappeler qu’en 1978, c’est Jean-louis Roux, directeur artistique du TNM, qui a non seulement programmé Les Fées ont soif, mais qui a persévéré, malgré la censure, les manifestat­ions et les menaces.

Eh oui, un homme, qui défend la liberté d’expression des femmes.

Un homme, blanc, de 55 ans.

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