Un modèle équitable, s’il vous plaît
La crise actuelle du financement des médias préoccupe avec raison citoyens et politiciens. L’arrivée des médias sociaux et la force des géants du web ont ainsi rendu de nombreux modèles d’affaires désuets ou insoutenables. Des actions concrètes doivent être posées à court et à moyen terme, parce que chaque fois qu’un journal ferme, c’est la démocratie qui prend un coup. Il est donc évident que, dans l’intérêt public, l’état devra jouer un rôle important.
Il existe cependant un danger réel que, dans l’empressement d’agir, certains décideurs politiques prennent des décisions qui auront des conséquences permanentes sur l’ensemble de l’écosystème médiatique sans qu’on puisse débattre de leur bien-fondé. Ce serait une grave erreur.
IMPRESSION DE FAVORITISME
Le système d’attribution de subventions ou de prêts arbitraires selon celui qui crie le plus fort ou celui dont les hauts dirigeants ont les meilleures relations politiques peut facilement laisser croire qu’un retour d’ascenseur est attendu. Pensons, par exemple, au prêt spécial de 10 M$ accordé par le gouvernement de Philippe Couillard aux journaux de l’ancien ministre Martin Cauchon ou aux 1,2 M$ en subventions à des groupes médiatiques proches du Parti libéral annoncés à la veille des élections.
Que ce soit le ministère de la Culture à Québec ou celui du Patrimoine à Ottawa, cette façon de faire des comités d’experts qui accordent des aides selon des critères obscurs laisse planer une impression de favoritisme qui nuit à la confiance du public dans l’impartialité de leurs médias. Il faut y mettre fin.
Or, il s’avère justement que Justin Trudeau a donné cette semaine le mandat au nouveau ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, de trouver des moyens « pour appuyer un journalisme professionnel fiable sans but lucratif ». Il va sans dire que cette commande correspond à un nombre très limité d’entreprises médiatiques, telles que La Presse, qui jouit du statut D’OSBL depuis juillet dernier. Il faudrait donc aider La Presse, qui est en déficit chronique depuis des années, mais il faudrait condamner les Cogeco, Bell Média, Transcontinental, Québecor et Capital Médias ?
ENCOURAGER LES JOURNALISTES
S’il faut sortir du système d’aide à la pièce, il ne faut pas pour autant engendrer de la concurrence déloyale. Il existe d’autres solutions. Si on cherche à favoriser la diversité de l’information, pourquoi ne pas encourager directement ceux qui la produisent : les journalistes.
En mettant en place un crédit d’impôt remboursable sur la masse salariale des professionnels de l’information, on a une méthode qui fonctionne pour tous les joueurs, et ce, sans discrimination : les grands comme les petits, les entreprises privées comme les OSBL, qu’ils soient télé, radio, web ou encore papier, et ce, quelle que soit leur ligne éditoriale.
On dit que les médias constituent le quatrième pouvoir. C’est dire leur importance : ils agissent comme un contrepoids essentiel au bien-être démocratique de nos sociétés. Le rôle du gouvernement doit donc être de mettre en place des politiques publiques qui permettent de maximiser la diversité des sources d’information tout en maintenant l’indépendance de ces sources, et ce, sans favoriser certains joueurs par rapport à d’autres. Xavier Barsalou-duval est membre du Bloc québécois et député de PierreBoucher–les Patriotes–verchères à la Chambre des communes