UN SCÉNARIO CATASTROPHE POUR LES HABITANTS D’IDLEB
BEYROUTH | Hôpitaux défaillants, habitants dépendant largement des aides et possibilités de fuite très limitées. En cas d’assaut du régime, le dernier grand fief rebelle d’idleb, en Syrie, risque un désastre humanitaire, s’alarment L’ONU et des ONG.
La province d’idleb, située dans le nordouest du pays en guerre, à la frontière avec la Turquie, est dominée par les djihadistes de Hayat Tahrir al-cham (HTS) et une multitude de factions rebelles y sont présentes.
Elle est dans le viseur du pouvoir de Bachar al-assad qui, fort du soutien aérien crucial de son allié russe depuis 2015, a accumulé les victoires et repris plus de 60 % du pays.
Organisations humanitaires et ONG s’inquiètent d’une offensive du régime déterminé à « libérer » tout le territoire : À Idleb, les services de santé sont sous pression, deux millions d’habitants dépendent de l’aide vitale livrée depuis la Turquie et les combats pourraient provoquer un exode.
« Un scénario du pire à Idleb a le potentiel de créer une urgence humanitaire encore jamais vue tout au long de cette crise », a averti John Ging, haut responsable du Bureau de coordination des affaires humanitaires de L’ONU (OCHA), devant le Conseil de sécurité de L’ONU.
CAMPS DE FORTUNE
Des dizaines de camps de déplacés sommaires parsèment la campagne vallonnée de la province, offrant souvent un même paysage de misère, comme à Kafr Dariyan, non loin de la frontière turque, selon un correspondant sur place.
Les tentes de fortune sont écrasées par le soleil, rafistolées avec des couvertures ou des draps.
Une fillette fait la vaisselle tandis que, non loin de là, une mère lave vigoureusement son petit en pleurs dans une bassine en plastique.
Ces derniers mois, des dizaines de milliers de rebelles et de civils sont venus grossir la population des déplacés dans la province, après avoir été contraints de quitter des ex-fiefs insurgés ailleurs en Syrie, reconquis par les forces gouvernementales.
Toute offensive « pourrait sévèrement entraver les opérations humanitaires et l’accès (des civils) aux aides dont ils dépendent », s’inquiète Linda Tom, porte-parole à Damas de L’OCHA.
Au total, quelque trois millions d’habitants vivent dans la province d’idleb et les poches insurgées des provinces voisines d’hama, Alep ou Lattaquié, selon L’OCHA. Près de la moitié sont des déplacés.
Sur tous les fronts en Syrie, les infrastructures médicales n’ont pas été épargnées par la guerre dévastatrice qui a fait plus de 350 000 morts depuis 2011. À Idleb, hôpitaux et cliniques risquent d’être dépassés en cas d’assaut.
« Moins de la moitié des installations médicales restent fonctionnelles, dans des secteurs qui pourraient bientôt connaître une recrudescence de la violence », déplore l’organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport.
Idleb a déjà connu « 38 attaques » contre ces infrastructures durant les six premiers mois de 2018, selon L’OCHA.
« Les centres de soins qui restent ne sont ni proprement équipés ni préparés pour un afflux massif de patients », déclare Pawel Krzysiek, un porte-parole en Syrie du Comité international de la Croix-rouge (CICR). « Toute offensive ne ferait qu’aggraver une situation déjà précaire. »
Pendant les précédents assauts du régime, contre la Ghouta orientale, Deraa ou Alep, plusieurs hôpitaux ont été mis hors service par les raids aériens.
INQUIÉTUDES À L’ONU
Le secrétaire général de L’ONU Antonio Guterres n’a pas hésité à souligner « les risques croissants d’une catastrophe humanitaire » en cas d’assaut.
Reste à savoir ce qui adviendra, si l’offensive est lancée, des livraisons d’aides humanitaires, menées depuis la Turquie par L’ONU ou des ONG : chaque mois, elles permettent d’apporter nourriture et médicaments à deux millions de personnes, selon L’OCHA.
« À Idleb, la dépendance à l’aide transfrontalière est importante », confirme le porte-parole du CICR. « C’est une bouée de sauvetage pour les civils, pour ce qui est de la nourriture et d’autres produits de première nécessité. Si les passages avec la Turquie sont fermés, des centaines de milliers de personnes vont être affectées. »
La Turquie, qui accueille sur son territoire plus de trois millions de réfugiés syriens, garde sa frontière fermée. En cas d’offensive, les civils se retrouveront coincés.
Selon L’OCHA, les combats pourraient faire jusqu’à 800 000 nouveaux déplacés.
ENFANTS EN DANGER
De son côté, hier, L’UNICEF a appelé le régime syrien à prendre en compte le sort des enfants, mettant l’accent sur les enfants de combattants rebelles qui ne doivent pas « être associés à ce que leurs pères ont pu faire ».
« Notre plus grande crainte, c’est qu’au milieu des discours militaires très marqués du moment, on a l’impression qu’on oublie qu’il y a plus d’un million d’enfants vivant dans cette zone (Idleb), qu’on oublie de toute évidence l es besoins humanitaires de ce million d’enfants », a affirmé Manuel Fontaine, le directeur des opérations d’urgence de L’UNICEF.