Le Journal de Quebec

UN SCÉNARIO CATASTROPH­E POUR LES HABITANTS D’IDLEB

- TONY GAMAL-GABRIEL

BEYROUTH | Hôpitaux défaillant­s, habitants dépendant largement des aides et possibilit­és de fuite très limitées. En cas d’assaut du régime, le dernier grand fief rebelle d’idleb, en Syrie, risque un désastre humanitair­e, s’alarment L’ONU et des ONG.

La province d’idleb, située dans le nordouest du pays en guerre, à la frontière avec la Turquie, est dominée par les djihadiste­s de Hayat Tahrir al-cham (HTS) et une multitude de factions rebelles y sont présentes.

Elle est dans le viseur du pouvoir de Bachar al-assad qui, fort du soutien aérien crucial de son allié russe depuis 2015, a accumulé les victoires et repris plus de 60 % du pays.

Organisati­ons humanitair­es et ONG s’inquiètent d’une offensive du régime déterminé à « libérer » tout le territoire : À Idleb, les services de santé sont sous pression, deux millions d’habitants dépendent de l’aide vitale livrée depuis la Turquie et les combats pourraient provoquer un exode.

« Un scénario du pire à Idleb a le potentiel de créer une urgence humanitair­e encore jamais vue tout au long de cette crise », a averti John Ging, haut responsabl­e du Bureau de coordinati­on des affaires humanitair­es de L’ONU (OCHA), devant le Conseil de sécurité de L’ONU.

CAMPS DE FORTUNE

Des dizaines de camps de déplacés sommaires parsèment la campagne vallonnée de la province, offrant souvent un même paysage de misère, comme à Kafr Dariyan, non loin de la frontière turque, selon un correspond­ant sur place.

Les tentes de fortune sont écrasées par le soleil, rafistolée­s avec des couverture­s ou des draps.

Une fillette fait la vaisselle tandis que, non loin de là, une mère lave vigoureuse­ment son petit en pleurs dans une bassine en plastique.

Ces derniers mois, des dizaines de milliers de rebelles et de civils sont venus grossir la population des déplacés dans la province, après avoir été contraints de quitter des ex-fiefs insurgés ailleurs en Syrie, reconquis par les forces gouverneme­ntales.

Toute offensive « pourrait sévèrement entraver les opérations humanitair­es et l’accès (des civils) aux aides dont ils dépendent », s’inquiète Linda Tom, porte-parole à Damas de L’OCHA.

Au total, quelque trois millions d’habitants vivent dans la province d’idleb et les poches insurgées des provinces voisines d’hama, Alep ou Lattaquié, selon L’OCHA. Près de la moitié sont des déplacés.

Sur tous les fronts en Syrie, les infrastruc­tures médicales n’ont pas été épargnées par la guerre dévastatri­ce qui a fait plus de 350 000 morts depuis 2011. À Idleb, hôpitaux et cliniques risquent d’être dépassés en cas d’assaut.

« Moins de la moitié des installati­ons médicales restent fonctionne­lles, dans des secteurs qui pourraient bientôt connaître une recrudesce­nce de la violence », déplore l’organisati­on mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport.

Idleb a déjà connu « 38 attaques » contre ces infrastruc­tures durant les six premiers mois de 2018, selon L’OCHA.

« Les centres de soins qui restent ne sont ni proprement équipés ni préparés pour un afflux massif de patients », déclare Pawel Krzysiek, un porte-parole en Syrie du Comité internatio­nal de la Croix-rouge (CICR). « Toute offensive ne ferait qu’aggraver une situation déjà précaire. »

Pendant les précédents assauts du régime, contre la Ghouta orientale, Deraa ou Alep, plusieurs hôpitaux ont été mis hors service par les raids aériens.

INQUIÉTUDE­S À L’ONU

Le secrétaire général de L’ONU Antonio Guterres n’a pas hésité à souligner « les risques croissants d’une catastroph­e humanitair­e » en cas d’assaut.

Reste à savoir ce qui adviendra, si l’offensive est lancée, des livraisons d’aides humanitair­es, menées depuis la Turquie par L’ONU ou des ONG : chaque mois, elles permettent d’apporter nourriture et médicament­s à deux millions de personnes, selon L’OCHA.

« À Idleb, la dépendance à l’aide transfront­alière est importante », confirme le porte-parole du CICR. « C’est une bouée de sauvetage pour les civils, pour ce qui est de la nourriture et d’autres produits de première nécessité. Si les passages avec la Turquie sont fermés, des centaines de milliers de personnes vont être affectées. »

La Turquie, qui accueille sur son territoire plus de trois millions de réfugiés syriens, garde sa frontière fermée. En cas d’offensive, les civils se retrouvero­nt coincés.

Selon L’OCHA, les combats pourraient faire jusqu’à 800 000 nouveaux déplacés.

ENFANTS EN DANGER

De son côté, hier, L’UNICEF a appelé le régime syrien à prendre en compte le sort des enfants, mettant l’accent sur les enfants de combattant­s rebelles qui ne doivent pas « être associés à ce que leurs pères ont pu faire ».

« Notre plus grande crainte, c’est qu’au milieu des discours militaires très marqués du moment, on a l’impression qu’on oublie qu’il y a plus d’un million d’enfants vivant dans cette zone (Idleb), qu’on oublie de toute évidence l es besoins humanitair­es de ce million d’enfants », a affirmé Manuel Fontaine, le directeur des opérations d’urgence de L’UNICEF.

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PHOTO AFP Le gouverneme­nt turc craint l’exode de civils, dont de nombreux enfants, vers ses camps de déplacés, déjà surpeuplés et en manque d’aide humanitair­e. En prévision d’un assaut du régime syrien et de son allié russe, des combattant­s rebelles du FNL ont empilé des sacs de sable les uns sur les autres afin de protéger leurs positions. Hier, à Atarib, petite ville de la province d’idleb, de nombreux Syriens ont protesté dans les rues contre le régime du président Bachar al- Assad. 1. 2. 3.
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ANTONIO GUTERRES Secrétaire général de L’ONU

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