TOUT SE JOUE AVANT 8ANS
INTERVENTION PRÉCOCE ET DÉPISTAGE DÈS LE DÉBUT DU PRIMAIRE
Dès l’âge de sept ans, un élève qui éprouve un retard scolaire est plus à risque de décrocher au secondaire, si ses difficultés persistent tout au long du primaire. D’où l’importance d’intervenir tôt, afin que les élèves aient acquis les compétences de base en lecture et en écriture à la fin de leur deuxième année.
Il y a dix ans, à la commission scolaire Rivière-du-nord, le taux de réussite des élèves de sixième année en lecture et en écriture oscillait entre 65 % et 74 %.
Le directeur adjoint de l’époque, Marc St-pierre, tente alors de redresser la situation. Il convainc tous les enseignants de maternelle d’opter pour un programme québécois basé sur des approches qui ont fait leurs preuves aux États-unis : la forêt de l’alphabet.
Misant sur le jeu, ce programme permet aux élèves d’apprendre les lettres dès la maternelle. Il est combiné à d’autres approches au début du primaire, qui ont aussi fait leurs preuves.
Résultat : une fois rendus en sixième année, ces élèves sont devenus d’excellents lecteurs si bien qu’en 2016, le taux de réussite en lecture et en écriture était désormais de plus de 90 %.
« On a réussi à réduire de moitié l’écart entre les garçons et les filles », indique M. Saint-pierre.
NE PAS ATTENDRE L’ÉCHEC
De manière plus générale, ce programme peut aussi faire partie d’un modèle d’intervention précoce et de dépistage largement implanté aux États-unis et en Alberta depuis plus de dix ans : la « réponse à l’intervention » (RAI).
Ou, en d’autres mots, le contraire de l’approche « attendre l’échec avant d’agir ».
PRATIQUES ÉPROUVÉES
Cette approche ne vise pas spécifiquement les garçons, mais ce sont eux qui en bénéficient le plus puisqu’ils éprouvent davantage de difficultés scolaires, résume Monique Brodeur, doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation à L’UQAM.
Le modèle RAI mise d’abord sur des pratiques pédagogiques qui ont fait leurs preuves, comme les activités qui permettront de faire des liens entre les lettres et le son qu’elles produisent, pour l’apprentissage de la lecture.
Ce type d’activité, réalisé 30 minutes par jour de trois à quatre fois par semaine, est associé à une plus grande réussite en lecture, explique Line Laplante, professeure à L’UQAM qui a réalisé un projet de recherche sur la question.
Avec ces interventions efficaces, on peut s’attendre à ce qu’environ 80 % des élèves fassent les apprentissages prévus.
PETITS GROUPES
Des approches plus spécifiques, en petits groupes, seront alors mises en place par l’enseignante ou l’orthopédagogue pour les autres élèves qui éprouvent davantage de difficultés (règle générale, de 15 % à 20 %).
Pour des difficultés en lecture, on augmentera par exemple la fréquence des activités, ajoutant un autre 30 minutes par jour, trois à quatre fois par semaine.
INTERVENTIONS SPÉCIFIQUES
Après ce deuxième niveau d’intervention, on peut s’attendre à ce que 5 % des élèves n’arrivent toujours pas à faire les apprentissages prévus. Des interventions encore plus spécifiques et individualisées seront alors faites par l’orthopédagogue, qui pourrait alors diagnostiquer un trouble d’apprentissage.
Cette approche à trois niveaux, qui implique aussi d’évaluer les élèves régulièrement afin d’intervenir avant qu’ils ne prennent trop de retard, a fait ses preuves, affirme Line Laplante. De plus en plus de commissions scolaires
s’y intéressent, ajoute-t-elle.
Le défi reste toutefois sa mise en oeuvre à grande échelle, qui ne se fait pas toujours dans des conditions idéales, déplorent des syndicats d’enseignants. « Il faut avoir les moyens de l’implanter correctement », prévient Mme Laplante.
DIAGNOSTIC
Quelle que soit l’approche choisie, l’important est de ne pas attendre qu’un élève en difficulté ait un diagnostic avant d’intervenir, souligne de son côté le professeur Égide Royer.
« Il faut à tout prix sortir de cette logique-là », lance-t-il.