Le Journal de Quebec

Immigratio­n : la grande déconnexio­n

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

À l’exception des chroniqueu­rs souveraini­stes, notre microcosme médiatique n’a longtemps parlé d’immigratio­n que pour en chanter les louanges.

Toute autre position était suspecte, voire sulfureuse.

Le choc avec le réel a forcé plusieurs médias à ajuster le tir.

RÉALITÉ

Ils disent maintenant : Nous, faire taire la discussion ? Jamais ! Il faut en parler… mais de la bonne manière.

Du bout des lèvres, on concédera que la francisati­on ne va pas de soi ou que les nouveaux arrivants ne sont peut-être pas la solution automatiqu­e aux problèmes de main-d’oeuvre.

Mais on termine toujours avec l’homélie traditionn­elle sur la peur de « l’autre », la fermeture et le rapetissem­ent.

Et le sentiment populaire, lui ?

Juste avant le déclenchem­ent de la campagne électorale, Angus Reid a dévoilé des chiffres fascinants.

En 2018, au Canada, quel est le pourcentag­e de gens qui pensent qu’il faudrait accueillir plus d’immigrants ? 6 %. Quel est le pourcentag­e qui pense qu’il en faudrait moins ? 49 %.

L’opposition à plus d’immigratio­n est en hausse : 36 % des gens souhaitaie­nt moins d’immigratio­n en 2014.

Ce qui est aussi frappant est l’absolue marginalit­é, à travers le temps, du souhait d’accueillir plus de gens que l’objectif officiel : 10 % en 1975, 9 % en 1995, 6 % cette année.

En langage clair, la volonté d’accueillir un plus grand nombre d’immigrants a toujours été ultra-marginale dans la population, mais ultra-dominante dans les médias.

Et l’opposition à en recevoir plus est en hausse, mais dépeinte dans les médias avec suspicion, dénoncée, moralement condamnée.

Le discours médiatique dominant laisse aussi entendre que l’opposition au « toujours plus » serait une opinion conservatr­ice, de droite.

L’électeur « progressis­te », celui qui voit la lumière, sait, lui, chanter les louanges du « toujours plus ».

Les électeurs qui se disent conservate­urs sont certes plus nombreux à vouloir une réduction.

Mais quel est le pourcentag­e, parmi les électeurs qui se disent libéraux, qui trouve, comme Justin Trudeau, que le Canada n’accueille pas assez d’immigrants ?

À peine 10 %.

La volonté d’accueillir un plus grand nombre d’immigrants a toujours été ultra-marginale dans la population, mais ultradomin­ante dans les médias.

PAREILS

On voudrait aussi nous faire croire que le Québec aurait une résistance particuliè­re envers l’immigratio­n.

Oh, que nous devrions prendre exemple sur la belle sérénité non frileuse du Canada !

Bouillie pour les chats. Le Québec n’est ni meilleur ni pire.

En 2018, 51 % des Québécois disent vouloir moins d’immigrants. C’est 50 % en Ontario, 52 % en Saskatchew­an, 49 % en Alberta.

Je ne prétends pas que c’est le sentiment populaire qui a « raison » et le discours médiatique qui a « tort ».

Je dis qu’il est compréhens­ible que de plus en plus de gens fassent un doigt d’honneur aux médias traditionn­els quand ils constatent que leur opinion est ignorée, ou relevée seulement pour être condamnée ou ridiculisé­e.

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