Le Journal de Quebec

Un nouvel épouvantai­l

- JOSÉE LEGAULT e Blogueuse Journal josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Le premier débat des chefs ayant lieu jeudi, François Legault a décidé de mettre lui-même la table. Tant qu’à subir un tir groupé des trois autres chefs, il a choisi de lancer un nouveau thème dans l’arène : immigratio­n et défense du français. Son objectif stratégiqu­e est évident : polariser le débat entre les libéraux opposés à toute diminution de l’immigratio­n et la CAQ qui y est favorable.

Pour Philippe Couillard, privé de l’« épouvantai­l » de la souveraine­té, c’est l’occasion de rapailler ses électeurs non francophon­es en brandissan­t celui d’une CAQ « intolérant­e » aux immigrants et « antiéconom­ique » en situation de pénurie de main-d’oeuvre. Pas étonnant d’entendre M. Couillard en faire sa « question de l’urne ».

En parlant d’immigratio­n et en appelant dès maintenant au « vote stratégiqu­e », M. Legault tente aussi de freiner la modeste remontée du Parti québécois. Car si jamais dans l’isoloir, le PQ se hissait au-dessus des 20 %, la CAQ pourrait devoir se contenter d’une victoire minoritair­e, ou pire.

SUR LE FOND

Une fois la stratégie analysée, que reste-t-il sur le fond de la question ? Le débat sur l’immigratio­n et la fragilité du français est légitime. Le vrai problème est dans l’approche saucisson- née des partis sur ces enjeux pourtant existentie­ls.

Les chefs se crêpent le chignon sur le nombre idéal d’immigrants par année : Jean-françois Lisée en veut 40 000 ou moins, François Legault, 40 000, Philippe Couillard, plus de 50 000. Dans ce drôle de bingo, on escamote la vraie question. Comment se fait-il que 41 ans après l’adoption de la loi 101, la francisati­on des nouveaux arrivants pose encore autant problème ?

Sauf pour le PLQ, en déni perpétuel, certains le découvrent tout à coup. Ce constat est pourtant documenté depuis belle lurette. Dès 1996, j’avais moi-même codirigé un bilan gouverneme­ntal sur l’état du français au Québec. Nous avions documenté plusieurs voyants jaunes qui s’allumaient déjà. Notre conclusion était qu’il fallait agir pour renforcer à nouveau le français comme langue nationale et d’intégratio­n.

Or, aucun gouverneme­nt n’a vraiment bougé. Ça, c’est la mauvaise nouvelle. La bonne est qu’il n’est pas trop tard. Le Québec doit renforcer sa politique d’aménagemen­t linguistiq­ue. Les moyens sont archi-connus, dont ceux-ci.

INVITATION

1) Étendre la loi 101 aux moyennes entreprise­s. À Montréal et dans l’outaouais, l’anglicisat­ion des milieux de travail est troublante. À quoi bon sélectionn­er des immigrants pour leur maîtrise du français si, pour travailler, on les oblige tout de suite à parler anglais ?

2) Sauf pour la communauté anglophone, le gouverneme­nt doit cesser d’offrir ses services « dans les deux langues ». Cela rend l’usage du français carrément optionnel.

3) La francisati­on des immigrants adultes doit être obligatoir­e, accessible, mais sans menace d’échec.

4) Que l’office québécois de la langue française cesse d’être une potiche inutile.

Bref, tout en encouragea­nt l’apprentiss­age d’autres langues, il s’agit de rendre le français aussi nécessaire à la vie quotidienn­e que l’anglais dans le reste du Canada. Cette approche globale était celle de la loi 101 originelle, affaiblie depuis par les tribunaux et l’inaction des gouverneme­nts.

En 2018, le retard est manifeste. Il faudra mettre les bouchées doubles. Ça coûtera ce que ça coûtera. La langue française est le coeur de l’identité québécoise. Elle ne cherche pas à exclure, mais à inclure. C’est une invitation à partager la même maison. Il serait temps qu’on s’en souvienne.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Le premier débat des chefs ayant lieu jeudi, François Legault a décidé de mettre lui-même la table.
Le premier débat des chefs ayant lieu jeudi, François Legault a décidé de mettre lui-même la table.

Newspapers in French

Newspapers from Canada