Le Journal de Quebec

Le lait passera-t-il avec le petit lait ?

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

Le « petit lait », pour ceux qui ne le savent pas, c’est le liquide qu’on trouve au-dessus du yogourt. Ce liquide, dit-on, a toutes les vertus. C’est même la quintessen­ce du lait. Ce qu’il y a de meilleur pour la santé.

Cette semaine, nos négociateu­rs, dont Raymond Bachand, ancien ministre des Finances du Québec, continuero­nt les pénibles négociatio­ns de libreéchan­ge à Washington. Tous les propriétai­res québécois de fermes laitières – il y en a 12 000, à peu près le nombre de membres de l’union des artistes – tremblent dans leurs bottes.

Il y a de quoi. Le lait pour eux, c’est une affaire de 2 milliards $ par an. À peu près la même somme que le volume global de la production audiovisue­lle du Québec (1,8 milliard $ en 2017). La moindre concession de nos négociateu­rs dans le programme de gestion de l’offre peut devenir une question de vie ou de mort pour les petits producteur­s laitiers.

LA MÊME ÉPÉE DE DAMOCLÈS

C’est la même épée de Damoclès qui pend au-dessus des têtes des artistes et artisans de l’audiovisue­l. Pour peu que nos négociateu­rs jettent du lest dans le principe de « l’exception culturelle », un grand nombre d’entre eux perdront leur gagne-pain.

En gros, l’exception culturelle est un concept de droit internatio­nal soustrayan­t la culture et ses industries aux contrainte­s des traités internatio­naux sur le commerce. C’est ainsi, par exemple, qu’on peut subvention­ner les arts, le cinéma, la télé, les livres et les imprimés et protéger nos réseaux de télévision et de télécommun­ications d’une mainmise étrangère.

Est-ce la campagne électorale qui distrait le gouverneme­nt en place ? Estce la rentrée à la télévision qui étourdit nos artistes ? D’habitude si inquiets de leur sort, nos artistes ne portent aucune attention aux pourparler­s de Washington. Pourtant, leur avenir comme celui des producteur­s laitiers en dépend.

Quant à nos politicien­s, ils crachent quotidienn­ement des promesses disparates dont la plupart resteront lettres mortes une fois l’élection passée. Nous avons bien une ministre de la culture, mais Marie Montpetit doit être aux abonnés absents puisqu’on ne l’entend pas sur cette question.

LA CULTURE SURGIT TOUT À COUP

Depuis le début des négociatio­ns de libre-échange, le premier ministre Justin Trudeau déclare solennelle­ment qu’il ne cédera pas un pouce sur la gestion de l’offre. Jusqu’à ces derniers temps, il n’avait pas dit un mot de l’exception culturelle. On a donc conclu qu’elle n’était pas remise en question par les Américains. Ce n’est plus le cas, car Trudeau vient de l’ajouter aux questions qu’ottawa défendrait bec et ongles.

Le lait, c’est avant tout une affaire québécoise. Nous sommes responsabl­es de plus du tiers de la production canadienne. La culture, c’est aussi une affaire québécoise. Malgré les protestati­ons d’une certaine élite, la culture n’est pas vitale pour les anglophone­s. Les cotes d’écoute anémiques de leurs émissions de télé et l’échec de leur cinéma le démontrent avec éloquence.

Pour nous comme pour les autres francophon­es du pays, la culture, c’est le petit lait qui assure notre survie. C’est une notion que les négociateu­rs d’ottawa pourraient bien oublier pour sauvegarde­r, entre autres choses, l’industrie automobile, nerf de la guerre en Ontario.

Pour nous comme pour les autres francophon­es du pays, la culture, c’est le petit lait qui assure notre survie

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